Le Printemps des poètes en CM2

Le Printemps des poètes 2016Je n’ai pas rencontré un seul enfant jusqu’à présent, qui n’aime pas les mots et la poésie. Faire découvrir la diversité des poèmes et les interpréter joyeusement, les théâtraliser, les chanter, leur procure une certaine jubilation.
Il y a quelques années, j’avais proposé à mes 32 élèves de CM2 un défi amusant : celui d’écrire et d’ornementer 1 000 poèmes pour créer une manifestation du Printemps des poètes. Et cela présentait l’avantage d’apprivoiser le printemps avant Noël ! En arts plastiques, les élèves avaient fabriqué un murmureur de poaimes avec de simples tuyaux de PVC qu’ils avaient ensuite peints et décorés à leur guise. Pour les « poaimes », ce fut tout autre chose.

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Lai, sonnet, rondeau ou calligramme ?

J’avais installé dans la classe, une très grande table (empruntée à la cantine) que j’avais agrémentée d’une jolie nappe et d’un bouquet de fleurs… Je mettais régulièrement à la disposition des enfants une quinzaine de livres de poèmes empruntés à la médiathèque. Cela leur permettait de prendre un peu l’air car ces ouvrages sont plutôt casaniers. Certains y prirent goût et en profitèrent pour faire plusieurs allers-retours…
Ainsi, les enfants ont découvert des dizaines de poètes cette année-là , ils ont voyagé à travers les siècles, les continents, les thèmes, le réel et l’imaginaire. Et ils ont pu apprécier, dans la plus totale autonomie, les charmes du lai, du sonnet, du rondeau ou du calligramme. L’objectif était qu’en cinq mois 1 000 poèmes soient écrits et orthographiés correctement sur des feuilles de classeur et qu’ils soient illustrés avec soin car ils seraient distribués dans les rues de notre ville un jour où nous irions les murmurer aux oreilles des passants.
Les équipes se sont vite constituées : il y avait ceux qui lisaient dès qu’ils en avaient l’opportunité et ceux qui illustraient, quand ce n’était pas les deux en même temps. Oui, tout le monde lisait car pour mettre en dessin un texte choisi, il fallait bien le lire, n’est-ce pas ?

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Lire, écrire, illustrer… jusqu’à mille !

Chaque semaine les enfants me rendaient leur production et nous avions établi un compte à rebours à partir de notre terminus, le chiffre mille. Cela permettait à la classe de se situer dans le temps et d’adapter son rythme selon la quantité de textes obtenus. Certains pourraient penser qu’il ne s’agissait que d’un challenge et que les enfants ne lisaient pas vraiment. Qu’ils se détrompent ! Car régulièrement dans la froidure de l’hiver, de nombreux élèves me suppliaient de rester en classe durant les récréations ou sur le temps de la pause méridienne pour lire, écrire et illustrer.
Puis arriva le Printemps des poètes. Le cers, vent dominant de la région narbonnaise, avait ce jour-là laissé la place au soleil. Les élèves avaient peint de vieux tee-shirts unis au nom des poètes qu’ils avaient découverts pendant ces deux trimestres, avec des extraits de textes aussi, et ils pouvaient, grâce à la météo clémente ce jour-là, les arborer comme des fanions multicolores.
Ils ont murmuré et distribué des poèmes à chaque coin de rue, ils les ont lus à l’oreille d’une bande de jeunes rappeurs à la terrasse d’un café, à la « maréchaussée » même, au meilleur libraire de la ville, à Marie Rouanet qui passait par là, aux mamies, aux nounous, aux commerçants qui sortaient de leurs boutiques en se demandant quelle était cette animation. Cela se passait un 21 mars, le jour du printemps !
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Un lien entre enfants et adultes

À la fin de l’année, j’ai demandé aux enfants quels noms de poètes ils avaient retenus… Surprise : cinquante-deux noms de poètes étaient encore dans les mémoires ! Cheng, Apollinaire, Neruda, Aragon, Joubert, Pessoa, Hugo, La Fontaine, Alyn, Cadou, Chédid, Ben Jelloun, Soupault, Desnos, Vian, Prévert, Baudelaire, Lamartine, Ronsard, Machado… Jamais autant de poètes furent lus en une seule année.
Ces élèves sont devenus lycéens, j’en croise quelques-uns de temps à autres aux alentours de l’école et ils me parlent de cette action comme un de leur meilleur souvenir d’école. Peut-être ont-ils compris qu’à travers la poésie et la fantaisie, c’est la vie qui pouvait être poétique, que ce soit au printemps, en été, à l’automne ou en hiver !
En outre, la poésie permet d’établir un lien intergénérationnel étroit entre les enfants et les adultes. Quand on interroge ces derniers, ils récitent volontiers avec nostalgie des bribes de textes qu’ils ont appris à l’école et les poèmes s’entrecroisent lors de ces discussions, pour le plus grand bonheur de chacun.
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Trois années de « poaimes »

Mes classes ont murmuré pendant trois années des « poaimes » aux oreilles d’auditeurs surpris mais ravis, ils ont été passeurs de poésie et passeurs de rêves. Depuis, d’autres actions ont été menées.
Nous avons la chance à Narbonne d’avoir des poèmes écrits sur les murs de la ville, aussi, a-t-il été aisé d’inventer un jeu de piste, d’apprendre à se repérer sur un plan pour aller les découvrir et les lire à haute voix, un exercice-jeu auquel les enfants des générations actuelles adorent se prêter.

Alexandra Ibanès

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Printemps des poètesLe XVIIIe Printemps des Poètes est consacrée au Grand XXe siècle – Cent ans de poésie. Le XXe siècle a été pour notre pays et pour la Francophonie un siècle de poésie majeure qui a connu un foisonnement d’œuvres considérables par leur portée et leur singularité : Claudel, Apollinaire, Supervielle, Cendrars, Saint John Perse, Éluard, Breton, Aragon, Prévert, Queneau, Tardieu, Senghor, Char, Césaire, mais aussi Jacob, Jouve, Reverdy, Desnos, Angèle Vannier, Vian, Andrée Chedid pour ne citer qu’eux… et tant d’autres à la voix plus discrète mais au timbre rare.
• Pour prendre connaissance de toutes les manifestations, consulter Éduscol.
• Une sélection d’ouvrages de l’école des loisirs.
Tous les articles et dossiers de « l’École des lettres » consacrés à la poésie.

Alexandra Ibanès
Alexandra Ibanès

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