Au sommaire de "l'École des lettres" 4, 2017-2018
Découvrez le sommaire détaillé du numéro 4, 2017-2018
Le roman et son adaptation en bande dessinée :
une double inspiration littéraire
BANDE DESSINÉE / ROMAN / HISTOIRE
◆ « La Guerre de Catherine », de Julia Billet et Claire Fauvel,
par Olivier Dufaut et Ophélie Praly
Doublement récompensée en janvier 2018 (prix Artémisia de la fiction historique
et Fauve jeunesse au festival d’Angoulême), cette adaptation en bande dessinée du roman de Julia Billet raconte le quotidien de Rachel, une jeune fille juive française, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Élève à la Maison d’enfants de Sèvres, Rachel se passionne pour la photographie. Même contrainte de changer d’identité (en devenant Catherine) et de prendre la fuite, elle ne se séparera jamais de son Rolleiflex.
On pourra, avec des élèves de troisième, mener un travail autour de deux entrées du programme de français : «Agir sur le monde » et «Se chercher, se construire ». En complément, un éclairage sur la période pourra être apporté par le professeur d’histoire.
◆ « La Guerre de Catherine », de Julia Billet,
par Stéphane Labbe
La Guerre de Catherine, de Julia Billet, est un roman fort, adroitement construit, dont l’intrigue, fondée sur des faits réels, conduira les adolescents d’aujourd’hui à prendre conscience de ce que fut la France occupée.
Il y eut certes des « Justes », mais il y eut aussi les autres. Ces autres, Julia Billet ne les met que très peu en scène : est-il besoin de le faire ? Leurs interventions glaçantes, l’effroi qu’ils suscitent chez ceux qui ont choisi la justice suffisent à faire ressentir au lecteur la malédiction d’une époque. Comment des gens ordinaires, des voisins souriants, ont-ils pu s’abaisser à devenir des bourreaux ou de lâches délateurs par opportunisme ? Le livre n’apporte pas de réponse – c’est l’action des Justes qu’il donne à voir. Mais le mal est à l’œuvre, insidieux, obstiné…
La Guerre de Catherine apparaît comme une sorte d’odyssée dont les étapes sont autant de séjours chez des Justes qui tous prennent des risques pour sauver la vie d’enfants juifs qu’ils savent en grand danger. Le livre achevé et refermé, c’est d’abord le portrait de ces Justes qui subsiste dans la mémoire…
UNE TÉTRADE EN BANDE DESSINÉE
◆ « Geneviève », de Cati Baur, d’après Malika Ferdjoukh (« Quatre sœurs »),
par Stéphane Labbe
Pour la première fois depuis qu’elle adapte les romans de Malika Ferdjoukh – une aventure qui aura duré près de dix ans –, Cati Baur choisit de ne pas faire figurer en couverture de l’album la maison des filles Verdelaine, la Vill’Hervé. Rien de surprenant dans ce choix. La Vill’Hervé, qui était presque un personnage à part entière dans les trois premiers tomes, passe, dans ce dernier volume, un peu au second plan. Avec Geneviève, nous voici en été, temps symbolique d’une forme de maturité pour les cinq sœurs…
UN ROMAN MYTHIQUE
TRANSPOSÉ EN BANDE DESSINÉE
◆ « Bonjour tristesse », de Frédéric Rébéna, d’après Françoise Sagan,
par Marie-Hélène Giannoni
Inutile de rechercher dans l’adaptation en bande dessinée de Frédéric Rébéna l’exacte trame narrative de Bonjour tristesse.
La bande dessinée joue avec les mots de Sagan, met en images les situations bien connues, mais toujours en esquivant les attentes. On ne trouvera pas, par exemple, la première phrase du célèbre incipit : « Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse », mais on sera plongé dans l’atmosphère si particulière du roman, faite de légèreté et de tragique, d’introspection et de refus du pathos.
Faire lire cette adaptation graphique du premier roman de Françoise Sagan dans les classes de troisième et de lycée est un moyen original de permettre à une nouvelle génération d’aborder Bonjour tristesse par le biais d’une mise en images et en cases vive, colorée et électrique.
◆ Le miracle de « Bonjour tristesse »,
entretien avec Alain Vircondelet
Romancier, professeur de littérature (XVIIIe et XXe siècles), historien d’art, Alain Vircondelet est un écrivain virtuose et tout-terrain réfractaire à toute mise en case. Aucune, d’ailleurs, ne suffirait à contenir ses passions : de Venise à Alger, de la peinture à la théologie. Mais ce sont ses biographies, surtout, qui l’ont rendu célèbre et, là encore, le spectre est large : Jean-Paul II, Saint- Exupéry, Casanova, Balthus, Camus, Duras, Rimbaud, Pascal, Jésus, Huysmans… et Sagan.
Alain Vircondelet lui a consacré un récent Paris de Sagan (Alexandrines, 2015) et, surtout, le fameux Sagan, un charmant petit monstre (Flammarion, 2002), qui relate les vingt-cinq premières années de la vie de l’auteur et donc la spectaculaire sortie de Bonjour tristesse…
◆ Françoise Sagan, chroniqueuse cinématographique et littéraire,
par Alain Beretta
La production littéraire de Françoise Sagan reste avant tout, depuis Bonjour tristesse, celle d’une romancière en vogue faisant entendre sa « petite musique » au fil d’une vingtaine de titres. On sait aussi que, depuis 1960 avec Château en Suède, elle fut également un auteur dramatique au succès inégal. Puis, trente ans après son premier roman, elle aborda avec brio le genre des «mémoires » : Avec mon meilleur souvenir (1984), …Et toute ma sympathie (1993), Derrière l’épaule (1998)… Mais soupçonnait-on l’étendue et la variété des productions de Sagan chroniqueuse de presse ? On sait gré à Denis Westhoff, son fils, d’avoir eu la bonne idée de réunir en un gros volume la centaine d’articles qui restaient, écrit-il dans son avant-propos, « endormis dans les archives des différentes rédactions ».
ÉDUCATION ARTISTIQUE
◆ Delacroix, le Louvre et le public scolaire,
par Pascal Caglar
L’exposition Delacroix qui se tient au Louvre jusqu’au 23 juillet 2018 est l’occasion de saluer le travail accompli par le musée en direction des divers publics qui le fréquentent, et
notamment le public scolaire, objet d’une attention particulière rappelée dans tous les rapports d’activité de ces dernières années.
Cette rétrospective Delacroix est en effet un événement privilégié pour aborder un auteur patrimonial, faire comprendre ce qu’a été le romantisme, ce qui l’a distingué du classicisme (formes, couleurs, sujets, composition), quels ont été ses rapports avec l’Histoire moderne (Delacroix et la guerre d’indépendance de la Grèce), comment s’est construit l’orientalisme (Delacroix et le Maroc), quelle mémoire se forger du passé (Delacroix et la Bible, l’Antiquité ou Shakespeare), etc.
À ce titre, elle intéresse le professeur de français comme celui d’histoire-géographie ou, bien sûr,
d’arts plastiques.
◆ Le Louvre Abu Dhabi,
par Yves Stalloni
Les musées de jadis utilisaient la verticalité et se déployaient sur plusieurs étages ; celui-ci est de plain-pied et semi-enterré. Ils étaient installés dans des palais à l’architecture recherchée, bénéficiant de nombreuses décorations ; celui-ci est dépouillé, sobre, presque minimaliste. Il s’agissait de lieux d’apparat, riches d’histoire, dans lesquels on avait cru bon de déposer des uvres d’art ; celui-ci, à l’inverse, a été conçu à partir d’une sélection de chefs d’oeuvre autour desquels on a bâti une structure destinée à les mettre en valeur.
Sous le vaste couvercle circulaire ajouré, mélange de résille et de moucharabié, légère coupole posée comme en équilibre au-dessus de l’eau, au cœur d’un petit État à la richesse insolente, se cache un exemple réussi de ce que peuvent être aujourd’hui ces lieux de conservation et d’exhibition que l’on appelle musées.
ROMAN CONTEMPORAIN
◆ « Femme à la mobylette », de Jean-Luc Seigle,
par Philippe Leclercq
Le début aurait pu être une fin. La fin, ou le suicide de Reine, la mère qui ne sait pas, qui ne sait plus si elle a rêvé, ou voulu, tuer ses trois enfants – Sacha, Igor, Sonia, respectivement neuf, huit et sept ans. Un grand couteau trône sur la table de sa cuisine, d’où elle ne parvient plus à s’extirper, bloquée, « débobinée », hantée par les fantômes de sa récente nuit d’horreur. Les enfants dorment peut-être encore à l’étage, il est tôt, le jour se lève à peine…
C’est sur cette scène poisseuse, rémanente, fondatrice du récit à venir, que débute Femme à la mobylette, de Jean-Luc Seigle.
HISTOIRE
◆ Qui est le Soldat inconnu ? Symbole guerrier ou exhortation à la paix ?
par Alexandre Lafon
Les élèves savent-ils encore que, depuis les années 1920, chaque jour, à 18 h 30, qu’il vente, pleuve ou neige, une flamme est ravivée sous l’Arc de triomphe, à Paris, au-dessus du tombeau d’un soldat anonyme de la Grande Guerre ? S’agit-il d’un culte désuet, d’une cérémonie archaïque vouée à maintenir intacte une « culture de guerre » plus qu’à célébrer la paix?
Loin de s’inscrire dans un passéisme patriotard, la question, à l’horizon du centenaire de l’armistice de 1918, n’a rien d’anecdotique. Il n’est pas inutile de se pencher sur l’histoire de ce symbole dans le cadre du cours d’histoire ou de projets pluridisciplinaires plus ambitieux. Elle s’appuie sur une mémoire qu’il convient de connaître, quitte à en critiquer le sens…
◆ Olympe de Gouges dans les manuels d’histoire,
par Alexandra Ibanès
« Olympe de Gouges est restée ignorée des manuels d’histoire, comme si, pour une femme, être guillotinée pour ses idées ne suffisait pas à être reconnue ! Elle s’est battue contre l’esclavage, pour la liberté sexuelle et le droit au divorce, pour l’amélioration du sort des prisonnières, le droit à la recherche en paternité. Elle s’est révoltée contre l’hygiène déplorable des maternités, parce que d’innombrables femmes mouraient en couches… Elle a mené une vie incroyablement romanesque et beaucoup la traitaient de folle, mais elle a écrit, en 1791, une “Déclaration des droits de la femme” bouleversante, qui pose l’égalité des deux sexes. Son premier article donne le ton: “La femme naît libre et demeure l’égale à l’homme en droits…” Tout est là. Et je peux vous dire que ces droits, aujourd’hui encore, nous ne les avons pas tous obtenus. »
Benoîte Groult, qui signait ces lignes en 2012 pour le magazine Elle, résume bien une situation dont elle aurait été heureuse de voir les derniers développements…
LANGUES ET CULTURES DE L’ANTIQUITÉ
◆ « Les Humanités au cœur de l’école ».
Rapport de Pascal Charvet et David Bauduin,
par Gaëlle Tirel
Pascal Charvet, inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire, et David Bauduin, IA-IPR, nommé depuis secrétaire général du Conseil supérieur des programmes, ont remis à Jean-Michel Blanquer, le 29 janvier 2018, un rapport intitulé « Les Humanités au coeur de l’école ». Ce rapport, dense (177 pages), dresse une série de constats sur la situation actuelle de l’enseignement des Langues et cultures de l’Antiquité en France, immédiatement suivis de préconisations visant à leur revalorisation.
Il s’articule autour de neuf chapitres qui balaient d’abord l’ensemble des problématiques liées à la matière : sa place en Europe, la question des effectifs, le lien entre l’offre et la demande, le recrutement et la formation insuffisants des professeurs de lettres classiques, les stéréotypes qui affaiblissent les LCA.
Puis il propose de nouveaux angles de vue pour aborder leur enseignement, privilégiant des pratiques pédagogiques et promouvant tous les projets visant à les valoriser.
Enfin, il s’achève sur l’annonce de la création prochaine du dispositif « Odysseum, la Maison numérique des Humanités ».
PROFESSEURS DOCUMENTALISTES
◆ L’APDEN auditionnée à l’Assemblée nationale. L’apport du professeur documentaliste dans la formation à une culture numérique,
par Gaëlle Sogliuzzo, présidente de l’APDEN
Le 8 mars dernier, l’Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale a été auditionnée à l’Assemblée nationale par la mission d’information sur l’école dans la société du numérique, présidée par le député Bruno Studer, afin de porter la voix et le regard spécifique des professeurs documentalistes dans la réflexion sur la construction d’une culture numérique chez les élèves.
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