Écologie, enseignement et transcendance
Si la percée d’EÉLV corrélée à la conscience écologique des jeunes peut être un sujet d’étonnement pour certains, cela ne peut surprendre les milieux de l’Éducation. En effet, les enseignants de tous les niveaux – collège, lycée, classes préparatoires – constatent quotidiennement l’intérêt des élèves pour les questions environnementales, pour l’urgence d’une action pour sauver notre planète. Au point que l’on peut parler avec l’écologie d’un nouvel idéal, d’une nouvelle grande cause, d’une nouvelle source de transcendance trouvée par une génération qui aspire à vivre dans un monde meilleur, comme chaque génération antérieure l’a également rêvé.
Un changement des mentalités
Dans l’histoire, les jeunesses de tous les siècles ont eu besoin de croire en des combats dont l’enjeu est la vie ou la mort, jadis le salut de l’âme, naguère le salut de l’homme puis celui de la société, aujourd’hui le salut du monde.
Toujours les jeunesses les plus éveillées ont refusé l’ordre des choses et rêvé d’un changement de haut prix, digne d’une exaltation proche de la foi : la réforme (humaniste), les droits de l’homme (les Lumières), transformer le monde (Marx), make our planet great again… L’écologie est le point de convergence de toutes celles et tous ceux qui veulent croire en quelque chose qui donne du sens à la vie et donne un but à ce XXIe siècle naissant.
Cette grande cause n’est pas cependant que l’effet d’une rêverie de type romantique ; elle est la réponse d’une conscience peu à peu sensibilisée aux questions écologiques, éveil dans lequel l’enseignement joue un rôle non négligeable. Comme jadis les cours de latin ont pu éveiller les consciences, comme la philosophie a pu en son temps éclairer les étudiants, c’est au tour des SVT et de la littérature écologique de travailler sans bruit aux changements des mentalités.
L’écologie dans les programmes
L’écologie est dans les programmes du collège comme du lycée : ceux-ci sont emprunts de sujets et d’exemples alarmants, d’explications scientifiques informées, et ce savoir vient confirmer des lectures en français, commencées parfois en primaire puis régulières au collège d’auteurs inspirés par les questions de protection de la nature, d’écosystème, ou de biodiversité.
En prépa HEC le programme de première année invite à étudier l’écologie dans le cadre des principaux courants idéologiques contemporains. Inutile de dire l’écho rencontré chez les étudiants de lectures comme celle de Michel Serres (le contrat naturel), Hans Jonas (le principe responsabilité) et bien d’autres (Naess et la deep ecology) anticipant sur les parcours en école de commerce tournés vers l’économie verte, le développement durable (sustainability, alternative business models) ou encore les initiatives associatives.
Les Américains possèdent un genre à part, avec les nature writing, genre amorcé au XIXe siècle par des écrivains comme Henry David Thoreau (Walden ou la vie dans les bois) ou Ralph Waldo Emerson (La Nature). Les Français ne manquent pas d’auteurs qui, à leur manière, ont alerté très tôt d’une mise en danger pour l’homme d’une vie coupée de la nature : on pense à Giono, ou bien encore aux pages prophétiques de Villiers de L’Isle-Adam dans sa nouvelle « Virginie et Paul » ou encore à des scientifiques comme le tout récent succès d’Aurélien Barrau avec Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité.
S’il faut se réjouir d’un passage de la minorité à la majorité en matière de conscience écologique, il faut saluer le travail de l’école, des enseignants, des auteurs et des éditeurs, qui, même infime, apporte une contribution à ce changement de mentalité : l’écologie elle-même ne nous apprend-elle pas que tout compte, de la feuille à l’espèce vivante dans un écosystème ?
Pascal Caglar