Accompagnement personnalisé et enseignement de masse
Une des ambitions fortes de la réforme du collège qui nous est proposée est de « créer des temps d’accompagnement personnalisé pour tous les élèves ».
Cela va se traduire par des heures soustraites aux heures de classe entière (3 h en 6e, 1 h à partir de la 5e) et par des apprentissages organisés autrement (activités en petits groupes, interactivité, interdisciplinarité).
S’il n’est pas certain que cela aide réellement les élèves, il est à peu près sûr que cela freine le travail fondamental disciplinaire (le savoir accessible dans chaque discipline).
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Un constat : la gestion du quantitatif est devenue prioritaire
C’est un bien étrange calcul que d’espérer, par ces initiatives pleines de sollicitude pour l’élève particulier, l’élève singulier, faire oublier que nous sommes au cœur d’un enseignement de masse, d’un enseignement du nombre où la gestion du quantitatif est devenue prioritaire.
Dans cet enseignement de masse ce ne sont pas des heures personnalisées pour élèves en difficulté qu’il faudrait car ces élèves sont majoritaires, ces élèves sont la masse et la norme, mais – ô scandale – des heures pour ceux qui ont un peu plus de plaisir et de goût que les autres pour les études.
L’élève-moyen, l’élève-type de l’enseignement de masse, est cet élève mal à l’aise dans le système d’instruction traditionnel que l’on ne réforme encore que marginalement, obliquement, craintivement. Tous ceux qui suivent des enfants non favorisés savent que ce ne sont pas ces heures d’accompagnement qui changeront quoi que ce soit, qui réduiront les inégalités ou réaliseront la démocratisation de l’enseignement. Ces heures existent déjà en primaire et au collège, elles constituent depuis 2005 les PPRE.
Pour une réforme des disciplines…
Ce serait plus qu’une réforme des programmes ou des méthodes qu’il faudrait, plus que des plans formalisés, des activités sans cesse renouvelées, ce serait une réforme des disciplines elles mêmes, élargies, plus nombreuses, plus modernes donnant à chacun l’occasion de montrer ce dont il est capable dans des domaines qui restent encore aux portes de la culture scolaire classique. « Inapproprié » est un adjectif à la mode : comportement inapproprié, langage inapproprié, geste inapproprié, partout on blâme l’« inapproprié ». Faudra-t-il ajouter « programmes inappropriés » à la liste des tendances à revoir ?
Les premiers documents présentés par le CSÉ n’augurent pas de beaucoup de changements dans les programmes de Français. Les quatre thèmes retenus pour le cycle 4 (5e-3e) « se chercher, se découvrir », « vivre en société », « regarder le monde », « agir sur le monde » auquel s’ajoutera à chaque niveau un thème variable (« la ville » en 4e, « progrès et rêves scientifiques » en 3e) préparent des retrouvailles avec des œuvres bien connues, des méthodes bien éprouvées, des ambitions bien identifiées.
…et une diversification des choix disciplinaires
Sans doute est-il difficile de concilier enseignement de masse et maintien d’une culture classique, les débats sur la place et la forme du latin au collège l’ont montré ces dernières semaines.
Il n’y a pas besoin de toucher au latin pour faire savoir que l’on est au service d’un enseignement de masse, il n’y a pas lieu de réduire les options ou les spécificités dites élitistes, bien au contraire il importe de diversifier les choix disciplinaires, d’offrir plus de découvertes, plus de chances de trouver ce vers quoi tend la nature de chacun.
L’accompagnement personnalisé, plutôt que prendre le risque d’infliger plus de la même chose à des élèves qui en ont déjà assez, pourrait être alors une chance, la chance d’un accompagnement vers des parcours véritablement personnalisés.
Pascal Caglar
• Les projets de programmes pour les cycles 2 (CP, CE1, CE2), 3 (CM1-CM2, 6e) et 4 (5e, 4e, 3e) applicables à la rentrée 2016.
• Les nouveaux emplois du temps du collège à la rentrée 2016.
• Voir également, sur son blog, le billet de Jean-Michel Zakhartchouk : Dix raisons de saluer les projets de programme d’école et de collège.
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