Écrire une nouvelle (II). Comment n’être ni trop court ni trop long ?

Poisson chimère, par Julie Lannes
Poisson chimère, par Julie Lannes

Une nouvelle de 12 000 signes maximum, soit environ six pages…

C’est peu, diront certains. Comment faire tenir dans un tel format une vraie histoire, avec des personnages vivants, un cadre bien campé, un suspense et une chute ?
D’autres, au contraire, auront peur de faire trop court. « Comment vais-je remplir ? » se demandent-ils sans trop oser l’avouer.
Pour vous simplifier la tâche, si vous souhaitez faire participer vos classes de collège et de lycée au concours Nouvelles avancées qui réconcilie les sciences et les lettres, et dont la thématique pour l’année 2013-2014 est Mélange des genres : panique chez les taxons, voici quelques solutions pratiques :

 

12 000 signes, c’est court ?

Vous pouvez limiter la durée de l’action – pardon pour cette quasi-lapalissade ! Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ou une scène de ménage sont plus faciles à raconter en quelques feuillets que cent ans de solitude ou la Révolution française…
N’hésitez pas à réduire l’exposition : si vous optez pour la science-fiction, ne perdez pas 4 précieuses pages à détailler ce qui s’est passé entre 2013 et 2093, époque de votre histoire. Plongez tout de suite dans l’intrigue – quitte à distiller au fur et à mesure les précisions nécessaires. De même si vous optez pour une nouvelle historique : ne vous sentez pas obligé de présenter par le menu le contexte politique, social. Plus le texte est court, plus vous avez intérêt à aller droit au but, en sélectionnant avec soin les indications nécessaires à votre histoire.
Concentrez-vous plus particulièrement sur un personnage, votre héros (ou votre héroïne). Adopter un point de vue subjectif – le sien – vous oblige à bâtir votre récit autour de sa quête, de ses sensations, de ses émotions, en éliminant ce qui ne le concerne pas directement. Et vous permet d’emporter l’adhésion de votre lecteur, qui s’identifiera aisément à lui.
Attention : il ne s’agit pas là de règles, mais de suggestions pour ceux qui se demandent, un brin désemparés, par quel bout prendre l’exercice. Les contre-exemples sont légion… La merveilleuse nouvelle de Primo Levi qui clôt le Système périodique raconte l’Odyssée d’un atome de carbone – sur plusieurs centaines de milliers d’années. Et l’un des meilleurs livres de la rentrée littéraire, Trois grands fauves, de Hugo Boris (Belfond), accomplit l’exploit de trousser trois portraits de grands hommes (Danton, Hugo, Churchill) en quatre ou cinq scènes clés chacun, sur un très court nombre de pages.
Mais la réussite demande un peu de virtuosité !
 

12 000 signes, c’est long ?

Ne vous contentez pas de nommer un lieu (New York, Mars, un laboratoire, un bureau, une fusée…) Votre lecteur ne vous suivra que si vous lui donnez les éléments nécessaires pour qu’il voie l’endroit, pour qu’il sente son odeur, la chaleur ou le froid qui y règnent, qu’il entende les bruits qu’on y perçoit. Et n’allez pas penser qu’une fois suffit : c’est tout au long du texte que vous devez nourrir son imagination – sans quoi vous le perdrez…
Ne réduisez pas le récit à une série d’actions et de péripéties. Si vous vous contentez d’écrire : « Il entra dans le salon, y trouva un voleur, ils se battirent et le voleur, blessé, s’enfuit », non seulement vous n’aurez occupé qu’une ligne, mais vous aurez, là encore, perdu votre lecteur, que cette succession d’actions laissera parfaitement indifférent.
Votre stylo – ou votre clavier – est à la fois caméra et micro : cette scène, il vous faut la faire vivre dans l’imagination de votre lecteur ! L’écriture vous donne en outre un avantage sur le cinéma : contrairement au réalisateur, vous pouvez pénétrer dans l’esprit de votre héros pour nous faire partager ce qu’il pense et ce qu’il ressent… Pourquoi ne pas profiter de ce pouvoir qui est le vôtre ?
 

Quelques exemples de nouvelles

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Voici quelques exemples tirés de la troisième édition de notre concours, en 2012-2013, « Eaux d’ici, eaux de là : l’Odyssée de l’eau ». Un temps d’action très court, un héros saisi dans une situation critique, un cadre souvent hors du commun : de quoi tricoter en peu de pages un suspense psychologique nourri de descriptions hautes en couleur…
 
1. « La Nuisible » (1er prix Grand public)
Acculé par la misère, un pêcheur breton, père de famille nombreuse, profite d’une nuit de tempête pour provoquer le naufrage d’un navire en allumant un feu sur la falaise, dans l’intention de piller l’épave le lendemain matin.
Époque : XVIIIe ou XIXe siècle (marine à voile)
Durée du récit : une nuit.
Héros : le vieux pêcheur, écartelé entre son désir de sortir de la misère et ses scrupules moraux.
 
2. « Dealer d’icebergs » (2e prix Grand Public)
Un dealer a rendez-vous en plein désert (le Golfe du Lyon, asséché) pour négocier clandestinement à prix d’or la vente de l’eau d’un iceberg qu’il a détourné en Antarctique.
Époque : un futur indéterminé (la planète est asséchée, l’eau douce naturelle est devenue une denrée rare et précieuse)
Durée du récit : quelques heures.
Héros : un dealer d’eau qui sait qu’il joue son va-tout – s’il réussit, il est riche pour le restant de ses jours ; s’il est pris, il finira sa vie en prison.
 
3. « Le poids d’une goutte d’eau » (1er prix Étudiants scientifiques)
Pour sauver son village privé de son accès à l’eau, un jeune père de famille palestinien entre en zone interdite afin de réparer la canalisation bricolée clandestinement par les siens.
Époque : actuelle.
Durée du récit : quelques heures, à l’aube.
Héros : le père de famille, conscient de risquer sa vie mais animé par sa soif de justice et sa révolte contre l’occupant.
 
4. « Le Jeu et l’Océan » (2e prix Étudiants scientifiques)
Au cours d’une partie d’échecs dans la base sous-marine d’extraction d’uranium dont il assure la maintenance seul avec un collègue, un ingénieur comprend que ledit collègue est en fait un « éco-terroriste » qui a décidé de passer à l’acte maintenant.
Époque : un futur pas si lointain.
Durée du récit : pas plus d’une heure.
Héros : l’ingénieur, engagé dans un duel pour sauver à la fois la base sous-marine et sa vie, et qui essaie de déjouer les plans du saboteur.
 
5. « La couleur de l’eau » (3e prix Étudiants scientifiques)
Un avocat véreux, qui négocie pour le maire de Las Vegas une opération juteuse dont le résultat sera de priver définitivement d’eau la région, acculant à la ruine les agriculteurs déjà aux abois, apprend par la presse le suicide d’un fermier ruiné par la sécheresse – lequel se trouve être son ami d’enfance.
Époque : un futur très proche.
Durée du récit : un après-midi.
Héros : l’avocat sans scrupules, animé jusqu’alors par le seul appât du gain, se trouve soudain placé face à un choix cornélien : la richesse au prix du remords, ou l’estime de soi au prix de la ruine.
 
6. « L’eau et le crocodile » (5e prix Étudiants scientifiques)
Un jeune immigré africain, manutentionnaire dans une centrale nucléaire française, téléphone à sa femme restée au pays pour prendre des nouvelles de la famille et lui annoncer sa prochaine mutation.
Époque : peu après la catastrophe de Fukushima.
Durée du récit : une conversation téléphonique.
Héros : le jeune père de famille immigré, partagé entre sa nostalgie pour le pays et l’admiration naïve que lui inspire le mystère de l’énergie nucléaire.

Laurence Decréau

• Conseils pratiques 

– Écrire une nouvelle : par où commencer ?

 – Comment trouver une idée.
– Quatre exemples de nouvelles (qui ne constituent cependant pas des modèles) : – Assourdissement. – Sens dessus dessus. – Impossible Speed. – Une question d’oreille.

Pour faire participer vos classes au concours

« Nouvelles avancées 2014 » :

Mélange des genres : panique chez les taxons,

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Laurence Decréau
Laurence Decréau

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