Capes de lettres : vivement 2014 ? Participez au débat !
Les modalités du Capes 2014 sont connues depuis peu (voir sur ce site la présentation des nouveaux concours de recrutement), et, comme un élève devant un texte nouveau, livrons-nous à nos premières impressions, quitte à devoir les rectifier un peu plus tard.
De prime abord, ce nouveau Capes de lettres réalise une franche évolution vers une authentique prise en compte des situations d’enseignement, sans toutefois rompre avec les exigences disciplinaires traditionnelles, ni avec une certaine histoire du concours. Le virage semble donc bien dessiné, ni trop brutal, ni vaguement incurvé. Son tracé va d’ailleurs de pair avec les contours des prochaines ESPÉ (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation), chargées, entre autres, de préparer à ces nouvelles épreuves.
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Un concours à bac + 4
Aux yeux de beaucoup, le concours faisait doublon avec les épreuves universitaires : c’était une licence bis, une répétition des évaluations en usage dans les principales disciplines littéraires de L1 à L3. Il fallait donner à ce concours un véritable caractère de recrutement professionnel, pour des candidats jugés aussi sur des qualités pédagogiques.
D’autres, au contraire, étaient réfractaires à toute évolution, ne jurant que par les qualités scientifiques, le savoir universitaire, et se méfiant comme de la peste des sciences de l’éducation. Le nouveau Capes semble avoir trouvé un équilibre de nature à rassurer les deux camps.
Il s’articule en effet désormais sur la formation dispensée au sein des ÉSPÉ, qui ouvriront en septembre 2013, devenant un concours à bac + 4 pour des jeunes gens passés par l’Université (licence), puis par une première année de Master « Métier de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) associant cours et stages dans des établissements scolaires. Nul ne se présentera désormais sans avoir vu un élève de sa vie.
Vrais changements…
Parmi les innovations du concours, certaines constituent de vrais changements, d’autres de simples évolutions.
Au nombre des changements, notons la fin de deux Capes distincts, lettres classiques et lettres modernes. Désormais un Capes unifié, avec deux options LC, LM, mettra fin à une division qui n’avait plus lieu d’être, compte tenu des conditions d’exercice du métier. En outre, une plus grande équité pourra s’établir entre les candidats, le rapport nombre de postes / nombre de candidats étant jusque-là profitable aux LC. Les deux identités sont maintenues, mais les épreuves sont rapprochées, la dissertation devenant commune aux deux options.
Hautement significatif, le changement dans les coefficients ; s’il y a bien un nombre égal d’épreuves écrites et orales (2 + 2), il n’y a plus égalité dans les coefficients : les épreuves orales deviennent deux fois plus importantes que les épreuves écrites. Cette réforme manifeste un souci tout à fait estimable pour les qualités humaines d’un futur enseignant (élocution, aisance, présence), mais ce n’est pas forcément un avantage pour le candidat, d’abord parce que la variété des sujets à l’oral rend les résultats plus aléatoires qu’un sujet unique pour tous à l’écrit, et d’autre part parce que la personne qui est face à un jury n’est pas forcément la même que celle qui se trouvera face à une classe (émotion, préparation, expérience).
Plus profondément, et en relation avec cette inégalité de coefficients, la nature même des épreuves orales affiche ces intentions de prise en compte des situations professionnelles. C’est la seconde épreuve qui doit retenir ici l’attention. Neuve par son intitulé, « Analyse d’une situation professionnelle », elle est neuve aussi par ses modalités. D’abord parce que le candidat a le choix entre plusieurs options : langue et culture antique, latin pour LM, littérature et langue française, français langue étrangère, théâtre ou cinéma.
Cette idée d’options, assurément, est séduisante et originale, fondée sur un respect des goûts individuels et une prise en compte de la variété des situations d’enseignement du français, mais le FLE avait-il vraiment sa place ici ? Son enseignement n’est-il pas marginal, et pour le moins restreint, au collège et au lycée ? Difficile de réprimer une certaine perplexité.
Concernant l’épreuve, il s’agit de conduire une séquence d’enseignement accompagnée d’une séance de cours pour un niveau donné à partir d’un dossier constitué d’un corpus de textes et de documents variant selon les options. L’exposé est suivi d’un entretien qui élargit la discussion à une évaluation de la connaissance du métier par le candidat, métier envisagé dans toutes ses dimensions [cf. Pascal Caglar & Daniel Foucaut, Tout pour enseigner, Ellipses, 2012]. C’est une manière de revisiter l’éphémère question « Agir en fonctionnaire de l’État de façon éthique et responsable» à laquelle les jurys de Capes avaient su, malgré tout, donner du sens. Cette nouvelle épreuve – imaginer une séquence (et une séance) –, pour ne pas être artificielle ou théorique, supposera l’accomplissement de stages longs durant l’année, seuls capables de donner une idée juste d’une pareille réalisation concrète des programmes.
… et simples évolutions
À côté de ces signaux forts de changement, certaines nouveautés s’apparentent davantage à des évolutions.
Les épreuves écrites, sensiblement inchangées, maintiennent intacte la dissertation ou « composition française », et l’épreuve de langue française ou « étude de grammaire » se voit ajouter un volet « professionnel » : dans un premier temps, plusieurs textes, dont un en ancien français, pour un questionnaire traditionnel de langue et de stylistique sur 15 points, puis une reprise de la question de grammaire dans une perspective d’enseignement pour un niveau donné (5 points), innovation qui ne devrait pas bouleverser la préparation.
À l’oral, la première épreuve amalgame l’épreuve actuelle de leçon (ex-explication de texte + grammaire) et une partie de l’épreuve actuelle de didactique dite « sur dossier ». C’est au cours de la seconde partie de l’épreuve, l’entretien, que les aspects pédagogiques sont discutés. Le temps de préparation est augmenté, il passe à trois heures, tout comme celui prévu pour la seconde épreuve. Cet allongement justifie l’importance nouvelle accordée aux oraux.
L’infléchissement se fait ici en défaveur de l’explication de texte, qui risque d’être moins « littéraire » ou de porter sur des textes plus adaptés aux programmes. Il faut savoir, par exemple, qu’à l’heure actuelle une partie du programme de sixième et de cinquième, pour ne prendre que des exemples massifs, ne se retrouve pas dans les bibliothèques du Capes : en effet, ni les textes fondateurs (programme de sixième), ni les textes du Moyen Âge (cinquième) ne font l’objet d’explications. Seule l’épreuve sur dossier peut les convoquer.
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Tout changement soulève des appréhensions et, parfois, des incompréhensions. Ce nouveau Capes suscitera certainement de l’émoi, mais la pédagogie doit commencer maintenant, dans la manière de l’exposer aux futurs candidats et aux collègues en général.
Il n’y a pas lieu de le redouter si les ESPÉ remplissent efficacement leur rôle, l’évolution ne pénalisera pas les candidats solides des formations traditionnelles, et les plus sensibles aux méthodes pédagogiques en vigueur y trouveront l’occasion de mettre en valeur leurs aptitudes professionnelles.
En fait, si l’on doit nourrir quelque inquiétude, et si l’on peut finir sur une note d’humour, c’est peut-être du côté des examinateurs qu’il faut s’interroger : le jury sera-t-il prêt pour ces nouvelles épreuves ? Aura-t-il opéré ses propres mises à jour ? En douter ne pourrait être qu’une boutade. Naturellement.
Pascal Caglar
Bonjour,
Je suis professeur stagiaire depuis la rentrée scolaire et je tenais à partager mes impressions actuelles. Je pense que la formation a certes ses défauts (manque d’organisation en son sein) et ses problèmes (perte de la formation lettres classiques) mais il faut savoir être positif et constructif. J’espère, de tout coeur, que des solutions seront trouvées.
Etudiante en M1 MEEF, je vais passer ce capes mais l’organisation ctte année est des plus baclées. Tout d’abord il y a ce regroupement master et capes sur une même année, ce qui est très contraignant pour nous ( une année supplémentaire dédiée au capes serait bien mieux).
D’autre part, les professeurs, tout au long de cette année ont été incapables de nous faire des exercices correspondants aux nouvelles modalités d’examens parce qu’on ne leur a transmis cette information que ce mois ci (le capes est le mois prochain!!!).
Résultat, panique parmi les étudiants qui se rendent compte qu’ils n’ont pas correctement étudié ce qu’il faudrait.
L’état est en pénurie de professeurs mais rien n’est fait pour que la réussite soit plus importante et qu’il y ait donc plus de profs ( à part donner un équivalent du capes à ds contractuels quand des centaines d’étudiants tentent le concours, ont une formation et échouent!!)
Ce qui, chère Marielle, met au moins autant en question les connaissances transmises avant le M1 MEEF que celles qui sont dispensées en M1 MEEF. Distinguons savoirs disciplinaires et formation professionnelle: en MEEF, les savoirs disciplinaires devraient être pour l’essentiel acquis — ce qui n’est le cas nulle part– pour laisser toute sa place à leur transformation professionnelle dans le cadre d’un master/concours de recrutement.
F.A.
Bonjour,
Etudiante en M1 MEEF Lettres, je confirme les propos de P.Caglar. Il me semble que ce nouveau capes met plus en valeur les qualités pédagogiques des futurs enseignants. Néanmoins, il nous paraît, à nous étudiants, qu’une année de formation n’est pas suffisante pour nous préparer à être le meilleur enseignant. Nous avons beaucoup de travail, et surtout beaucoup de connaissances à acquérir et digérer. Ce n’est qu’après digestion que nous pouvons transmettre nos savoirs aux élèves.
et même pas l’honnêteté intellectuelle de signaler les modifications que vous avez apportées à cet article depuis sa première publication.
Pour votre information, cet article n’a pas été modifié depuis sa publication.
Bonne relecture,
La rédaction de l’École des lettres
d’abord je vois toute fois les problèmes et le risques ou plutôt les dangers qu’ emporte ce nouveau Capes – particulièrement les observations du Mme Galan ne donnent pas plus d’ espérance – mais cette bataille pouvez-vous la gagner? Et s’il est possible pour combien du temps?
J’espère que vous trouverez des autres voies que le combat, que les transformations qu’annonçaient les interventions des inspecteurs et l’inspectrice générale de ce congrès l’année passée (https://eduscol.education.fr/cid58407/rencontres-langues-anciennes-et-mondes-modernes.html) renforceront l’enseignement de ces « merveilles langues ».
Pour moi même, parleur du Latin (moins du Grec Ancien) et penseur en matière de l’enseignement il se montre le problème fondamental au sein de la formation « formelle » – pour le dire le plus drastiquement: qui enseigne un langue comme morte, recevra une langue morte – et celui-ci n’affecte pas seulement, directement, la motivation des élèves, l’image publique de nos(!) langues mais tout ça, ce qu’on appelle justement(!) comme leurs avantages, est risqué d’être perdu au grande partie:
Comment voulons-nous faire reconnaître une culture éloignée et pour ce même intéressant, comme miroir du présent, comme sa «racine», si elle est disparue derrière la méthode de la construction?
Où est-il cet auteur ancien qui a sa propre vue sur le monde, sa propre vie à montrer à nous, maintenant?
Combien du temps reste-nous à parler de ces aspects, aux marches longues et épuisantes par les deux, trois sentences par heure de cours? Combien d’ haine c o n s t r u i s o n s-nous en enseignant nos langues comme mortes?
Pour le renverser à une vision positive de l’enseignement: rappelons-nous que celles-ci sont des l a n g u e s, qu’on les peut apprendre et comprendre comme langues – voyons que nous avant toutes choses dites à retrouver, que l’analyse grammaticale elle même se fait plus compréhensive aux élèves -et pour quelques seulement- si l’on explique et l’exerce aux textes déjà compris par eux!
Comme si toute la richesse des Anciens s’ouvra aux élèves, et, c’est ça que j’espère, ouvra leurs cœurs à nos langues, rendant superflues les discussions du présent 🙂
« Latine Loquere! » – Loquar libenter! – tot res omisi nunc: quid de vita linguae nostrae dicam, quae comes fuit Europae diuturna, in qua etiam earum rerum, quas nunc sentimus, pleraeque primum sunt cogitatae? At satis est.
La disparition du CAPES de Lettres Classiques au profit d’un CAPES de Lettres à options pose en effet problème et engendre de nombreuses inquiétudes.
Tout d’abord, on ne sait pas si un nombre minimum de postes à pourvoir sera fixé dans cette nouvelle option : on ne sait donc pas si le nombre d’enseignants de Lettres Classiques sera constant, en augmentation (!), ou revu à la baisse comme on peut plutôt le craindre.
Aussi, tout est très flou quant au statut des enseignants de Lettres Classiques. Existera-t-il toujours ? C’est-à-dire : le CAPES de Lettres Classiques en tant que tel n’existant plus, y aura-t-il toujours quand même obligatoirement un enseignant de Lettres Classiques dans chaque établissement pour assurer l’enseignement des langues anciennes ? Rien n’est moins sûr quand on sait par exemple que l’Académie de Créteil propose dans son Plan Académique de Formation un stage intitulé « L’enseignement du latin quand on est professeur de lettres modernes ». À Créteil donc, des enseignants de Lettres Modernes enseignent le latin sans le connaître (!) et ont à leur disposition un stage de trois jours (!) pour les y aider…
De plus, qu’en sera-t-il des conditions de travail des enseignants de Lettres Classiques si ce n’est plus un recrutement à part entière ? La question est pertinente quand on apprend que dès cette année, comme par hasard, des postes de Lettres Classiques ont été supprimés dans l’Académie de Créteil et qu’il est question de donner en échange à ces collègues des services en langues anciennes uniquement (c’est-à-dire plus aucun cours de français) sur des postes de Bloc de Moyens Provisoires (« heures accordées à un établissement de manière provisoire pour une année et qui ne peuvent être transformées en poste de titulaire ») à cheval sur plusieurs établissements.
Ce qui fait la richesse d’un enseignant de Lettres Classiques c’est sa capacité et son envie d’enseigner le français, le latin et le grec. Sa formation est longue et difficile. Qui voudrait se lancer dans une telle aventure si l’avenir est aussi précaire et incertain ? Qui voudrait proposer tout son savoir et tout son savoir-faire à une Éducation Nationale qui semble les mépriser et les rejeter ?
Ce nouveau CAPES semble donc une attaque, un affront, et annonce en l’état la mort programmée de l’enseignement des langues anciennes. Si seulement les Anciens avaient eu un compte sur les réseaux sociaux, peut-être les aurait-on trouvés dignes d’intérêt… O tempora, O mores !
M. Caglar
J’ai adressé un commentaire (critique) qui n’a pas été retenu. Cela montre d’abord que professionnalisation des recrutements de professeurs de Lettres et esprit critique sont inconciliables -on s’en doutait. Et surtout que « professionnaliser » signifie seulement, dans votre esprit, instaurer des épreuves dites professionnalisantes au capes, puisque pour évaluer la capacité à exercer une profession, il faut au minimum avoir été mis en situation de l’exercer progressivement ( ce que permettait encore l’ancienne formation). En d’autres termes les Conseillers- pédagogues du ministre, une fois de plus, se payent de mots magiques. Cela ne résoudra en aucune manière la crise du recrutement. Bien au contraire.
Jérôme ROGER.
« Nouveau capes, vivement 14 » : vivement pour qui ? Pour les étudiants néophytes qui devront en- à peine une année universitaire- devenir des « professionnels » ? Pour des étudiants dont les savoirs littéraires et linguistiques sont à peine assurés ? De qui se moque-t-on ? On attend donc impatiemment de L’Ecole des Lettres une préparation intelligente à l’épreuve dite d' »Analyse d’une situation professionnelle », qu’elle ne manquera pas de proposer numéro après numéro dès la rentrée, si l’on veut éviter au nouveau capes 2014 de sombrer dans un didactisme aussi ridicule que suicidaire. Jérôme Roger- Université Bordeaux 3.
Comme l’indiquaient avec prudence et précaution les premières lignes du billet intitulé « Vivement 2014 », ce commentaire ne délivrait que des premières impressions guidées par le souci d’informer des évolutions du concours, de les mettre en perspective et non de les mettre en question.
Son objectif était et reste prioritairement sinon exclusivement de montrer comment le nouveau concours parvient à relever le défi d’un recrutement professionnalisant capable de concilier savoirs disciplinaires et pratiques pédagogiques.
S’il est l’occasion d’ouvrir d’autres débats et de susciter une réflexion élargie sur la réforme, c’est plutôt positif, signe d’une liberté d’expression et d’information bien vivante.
Pascal Caglar
Je ne pensais pas qu’une revue comme « L’école des lettres » destinée à des professeurs de lettres puisse faire une lecture aussi partielle et approximative des textes officiels.
Vous ne dites pas un mot de l’inégalité de traitement des candidats à un concours de la fonction publique : des candidats option « lettres modernes » qui auront le choix entre 4 options (FLE, latin pour lettres modernes, langue et littérature française, cinéma ou théâtre), tandis que les candidats option « lettres classiques » n’ont aucun choix dans cette nouvelle maquette du capes.
« L’école des lettres » a-t-elle choisi de se ranger du côté de ceux qui veulent voir disparaître l’enseignement du latin et du grec du secondaire ?
Pour tous ceux qui ne l’entendent pas ainsi, vous trouverez à l’adresse suivante une pétition pour la « sauvegarde de l’enseignement du Latin et du Grec en France »
Lire les revendications et signer la pétition sur le site Change.org :
https://www.change.org/fr/pétitions/m-le-président-de-la-république-sauvegardez-l-enseignement-des-langues-anciennes-en-france
Merci de diffuser le plus largement possible cette pétition auprès de vos collègues, élèves, parents d’élèves, connaissances, élus locaux…
Pour ce faire vous pouvez télécharger sur Latine Loquere affiche et prospectus à déposer ou distribuer (ou faire distribuer par les élèves) dans les établissements, lieux publics, magasins…
Télécharger les documents :
https://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/spip.php?article7351
Tout ceci est d’une logique totale, ubuesque et absolue : à quoi bon former des professeurs de langues anciennes, effectivement, si on n’enseigne plus lesdites langues anciennes ??????
Qu’importe qu’on n’ait plus de dents, puisqu’il n’y a plus que de la purée dans nos assiettes !
Bonjour.
A vous lire voler ainsi au secours de la défaite, je me félicite de ne plus vous subventionner par mon abonnement depuis déjà plusieurs années.
Quant au jury, espérons qu’il aura la sagesse, comme celui de l’agrégation interne de lettres classiques, de laisser la didactique à sa vraie place : dans le seul intitulé de la 1re composition d’écrit – non in re.