Conférence de l’Unesco à Mexico :
la culture comme « bien public mondial »

Personne ne peut être privé de culture ou en être écarté, et le secteur marchand ne peut à lui seul répondre à la demande ni pourvoir aux besoins de chacun. C’est ce qu’ont déclaré les 160 pays réunis à Mexico lors de la conférence de l’Unesco, qui s’est achevée le 2 octobre avec l’adoption d’un texte majeur pour les objectifs durables des Nations unies.

Par Pascal Caglar, professeur de lettres

Personne ne peut être privé de culture ou en être écarté, et le secteur marchand ne peut à lui seul répondre à la demande ni pourvoir aux besoins de chacun. C’est ce qu’ont déclaré les 160 pays réunis à Mexico lors de la conférence de l’Unesco, qui s’est achevée le 2 octobre avec l’adoption d’un texte majeur pour les objectifs durables des Nations unies.

Par Pascal Caglar, professeur de lettres

Mondiacult, la plus grande conférence organisée par l’Unesco sur les politiques culturelles depuis plus de vingt ans, s’est achevée à Mexico le dimanche 2 octobre. Les 2 600 représentants de 160 pays ont terminé leurs travaux avec l’adoption, à l’unanimité, d’une déclaration qualifiant pour la première fois la culture de « bien public mondial ».

La formule est plus technique qu’elle n’en a l’air car elle affirme que la culture, en tant que bien commun, n’est ni exclusive (n’appartenant qu’à certains), ni limitative (offerte à un nombre limité d’individus), ni lucrative (pensée en termes de profits), et que son entretien, sa conservation ou son développement incombent prioritairement aux acteurs étatiques (institutions et collectivités).

En d’autres termes, personne ne peut en être privé, ou écarté, et le secteur marchand ne peut à lui seul répondre à la demande ni pourvoir aux besoins de chacun. Cette affirmation implique dès lors un certain nombre d’actions publiques que la conférence a listées dans la perspective d’une inscription de la culture en tant qu’« objectif spécifique à part entière » parmi les prochains objectifs  de développement durable des Nations unies.

La diversité culturelle aussi nécessaire que la biodiversité

« Ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social, englobant outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » Cette définition du mot « culture », proposée par l’Unesco en 1998, plus anthropologique qu’humaniste, a pour corollaire de présenter la diversité culturelle comme aussi nécessaire au genre humain que la biodiversité pour le vivant.

La diversité culturelle recouvre un certain nombre de droits que l’Unesco s’engage à défendre. Les principaux articles de la déclaration mentionnent en effet les engagements suivants : soutenir l’accès inclusif de la culture (lutter contre les formes d’exclusion culturelle), renforcer les droits économiques et sociaux des artistes et des professionnels de la culture (défense de la propriété intellectuelle), protéger la liberté artistique ainsi que la liberté d’expression (lutter contre l’uniformisation numérique), défendre la diversité linguistique et protéger l’identité culturelle des peuples autochtones, et, enfin, promouvoir le retour et la restitution de biens culturels aux peuples concernés.

Novateurs pour certains, comme la lutte contre le trafic illicite des œuvres et la création, en 2025, d’un musée virtuel des biens culturels volés, ces engagements rappellent et prolongent des actions mieux déjà amorcées comme la synergie entre culture et éducation (enseigner le patrimoine des traditions, soutenir l’égalité à l’accès numérique), la lutte contre la destruction intentionnelle de biens culturels en cas de conflits armés, la protection du patrimoine naturel et culturel face aux incidences du changement climatique, ou encore l’établissement d’une éthique de l’intelligence artificielle et de cadres réglementaires plus structurés autour des plateformes numériques.

Afin de ne pas s’en tenir à des vœux pieux, les membres de l’Unesco réunis à Mexico ont décidé la création d’un forum mondial des politiques culturelles qui se réunira tous les quatre ans pour dresser un bilan des actions et des progrès réalisés par rapport aux directions énoncées lors de ce sommet.

La culture, puissant moteur de développement

Ces conférences visent des retombées concrètes. Depuis des décennies, ce sont les recommandations de l’Unesco qui ont permis de vulgariser des notions comme la diversité culturelle (2001), d’alerter contre la dégradation du patrimoine culturel (2003), de légitimer la condition d’artiste, de protéger le paysage urbain historique (2011), de valoriser des sites naturels et culturels, et de se familiariser avec bien d’autres notions, comme le patrimoine immatériel, désormais connues du plus grand nombre.

En outre, sur le plan économique, la culture est l’un des moteurs de développement les plus puissants dans le monde : elle représente à elle seule plus de 48 millions d’emplois et plus de 3% du PIB mondial.

Plus que jamais, la culture est inscrite au cœur des stratégies de développements humains, sociaux et économiques, et pour cela relève de la politique au sens le plus englobant du terme. L’actualité rappelle sans cesse que sa vitalité est néanmoins fragile, qu’une pandémie ou un conflit peuvent décimer le secteur, que les inégalités en matière de droits et d’accès à la culture sont encore nombreuses, que l’égale considération de toutes les cultures n’est pas toujours bien comprise ou bien tolérée.

Pour toutes ces raisons, on ne saurait jamais trop en faire en matière de sensibilisation.

P.C.

Pour approfondir :

Sur la notion de bien public mondial :  https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/Les_biens_publics_mondiaux-2.pdf

Sur la conférence Mondiacult de Mexico :
https://www.unesco.org/fr/mondiacult2022

L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Pascal Caglar
Pascal Caglar