De la réforme du bac à la réforme des disciplines
À n’en pas douter, la réforme de l’examen du baccalauréat n’est pas une fin, mais un commencement. Pour parler comme Aristote, cette réforme est la cause motrice d’une cause finale qui est la réorganisation des études secondaires. Ou, pour parler comme Pierre Mathiot, « la transformation du bac induit la transformation du lycée » (Rapport, Conclusion, p. 49).
Derrière un nouveau diplôme et de nouvelles épreuves se profile un nouveau lycée et une nouvelle organisation des études, ce que le rapport explicite dans la formule « construire le lycée des possibles« .
Ainsi, si certains discutent de la question des épreuves, si d’autres s’interrogent sur les conséquences de la réforme pour les services des enseignants et l’organisation semestrielle de l’année, plus rares sont ceux qui relèvent l’impact des changements sur les disciplines et les programmes.
Pourtant à l’heure où la réforme est perçue comme une modernisation, où cette modernisation suscite un espoir bienveillant, ne serait-il pas nécessaire de moderniser aussi les programmes ?
La maîtrise écrite et orale de la langue doit revenir au premier plan
Pour la seule discipline du Français, si l’épreuve anticipée n’évolue pas, faut-il pour autant que les programmes et les exercices restent également inchangés ? La maîtrise écrite et orale de la langue perçue comme plus nécessaire que jamais ne doit-elle pas revenir au premier plan ? Ainsi l’enseignement de la grammaire de phrase abandonné après le collège gagnerait à l’évidence à être reprise et approfondie au lycée ; la communication orale, ordonnée et structurée par une rhétorique modernisée pourrait mériter une attention renouvelée et spécifique ; et quant à l’enseignement de la littérature, ne pourrait-il pas lui aussi se réorganiser ?
On pourrait peut-être le clarifier et le simplifier, renoncer à ces croisements thématiques, génériques, et chronologiques souvent porteurs de confusion, et dégager des blocs favorisant la constitution d’une culture générale moderne, comme par exemple : les classiques français (œuvre patrimoniales du XVIe au XXe siècle), la littérature européenne, ou encore la littérature contemporaine.
Du reste, plus encore que ces propositions, c’est bien l’idée de possibles changements, de réorientations dans les programmes qu’il faut relier à la réforme du bac et attendre des prochaines concertations.Le lycée des possibles doit être aussi celui de possibles évolutions disciplinaires.
Mieux préparer l’accès à l’enseignement supérieur
Les heures de l’unité 3, dite Accompagnement (orientation, projets, méthodes) – deux heure en Seconde, trois en Première et Terminale –, si elles sont conçues dans le Rapport comme une aide à l’accès au Supérieur sur le plan de la connaissance des parcours possibles, pourraient peut-être aussi préparer aux exercices du Supérieur.
Tous les enseignants du cycle de la licence, à l’université comme en classes préparatoires, constatent le fossé entre le niveau acquis en Terminale et celui attendu en L1. Informer sur les classes prépas pourrait aussi signifier concrètement préparer à la dissertation, exercice abandonné dans le Secondaire et pourtant majoritaire dans les évaluations du Supérieur.
Le Rapport met l’accent sur les possibilités du numérique. Pourquoi ne pas utiliser cet outil comme d’autres plus traditionnels pour contribuer à l’amélioration des connaissances requises en vue du travail demandé dans le Supérieur ?
Après l’attention portée sur la liaison Primaire-Collège et les réels progrès obtenus dans le partage des méthodes et des objectifs lors de la dernière réforme du collège, l’heure est à une meilleure préparation de l’accès au Supérieur.
Réaffirmer le français comme la matière donnant accès à la culture
Le rapport donne le signal d’ouverture d’un chantier. Revoir l’examen, réviser les séries, réformer le calendrier, tout cela, nous le savons, s’articule à des enjeux de nature économique et politique dépassant le strict cadre éducatif et pédagogique. Il n’empêche que l’occasion est là de remettre à plat la réflexion sur les enseignements disciplinaires, leurs finalités, leurs méthodes et leurs évaluations.
Le Rapport suggère une simplification possible des exercices proposés au bac de français : c’est le signe d’un débat ouvert. Plus que jamais, le français doit se réaffirmer comme la matière donnant accès à la culture, historique et vivante, adossée à des exercices, individuels ou collectifs, inscrits dans la tradition comme dans les pratiques contemporaines.
Pascal Caglar
.
• Télécharger le Rapport Matthiot.
• Le « grand oral », nouvelle épreuve reine du baccalauréat ? par Antony Soron.