Éducation : plan d’urgence pour le 93

Le mouvement lancé le 26 février contre le manque criant de moyens matériels et humains dans les établissements de Seine-Saint-Denis s’étend grâce, notamment, à une vidéo ironique et virale conçue par le lycée Blaise-Cendrars de Sevran (93).
Par Jean-Riad Keachaou, professeur d’histoire-géographie et EMC à Chelles

Le mouvement lancé le 26 février contre le manque criant de moyens matériels et humains dans les établissements de Seine-Saint-Denis s’étend grâce, notamment, à une vidéo ironique et virale conçue par le lycée Blaise-Cendrars de Sevran (93).

Par Jean-Riad Keachaou, professeur d’histoire-géographie et EMC à Chelles

Bras de fer avec le ministère. Depuis le retour des vacances d’hiver, les enseignants de Seine-Saint-Denis, soutenus par les parents d’élèves, ont lancé une mobilisation pour réclamer un plan d’urgence pour l’éducation dans le département. Ils réclament la création de cinq mille postes d’enseignants et de plus de trois mille emplois de la vie scolaire, des seuils à vingt élèves par classe et la réfection des établissements vieillissants. Selon Louise Paternoster, co-secrétaire départementale de la CGT Éduc’Action 93, il faudrait investir 358 millions d’euros pour améliorer la scolarité des élèves dans le département le plus jeune et le plus pauvre de l’Hexagone.

Le mouvement, qui ne faiblit pas, semble même se propager dans les autres départements franciliens. Une intersyndicale a lancé un nouvel appel à la grève dans les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis ce 14 mars. Un rassemblement est prévu devant la préfecture à Bobigny à 14 heures. Des parents d’élèves appellent à une journée « écoles, collèges et lycées déserts » pour le 15 mars. Tous réclament un plan d’urgence pour le 93.

La vidéo virale

Signe le plus spectaculaire de l’abandon des établissements scolaires du département : leur vétusté. Les communautés scolaires ont décidé de s’en emparer en filmant leur cadre de travail. Le lycée Blaise-Cendrars de Sevran diffuse ainsi, depuis le 6 mars, une vidéo qui a dépassé le million de vues sur TikTok en à peine 24 heures.

On y voit des lycéens et des enseignants dénoncer avec ironie les trous dans le plafond, les fuites d’eau, l’absence de matériel élémentaire : tables, chaises, paillasses, savon, papier et essuie-mains dans les toilettes, extincteurs dans les couloirs, escaliers de secours, mais aussi remplaçants pour les profs absents : « Je suis élève à Blaise-Cendrars dans le 93, évidemment qu’on n’a pas de table pour faire cours » ; « Je suis prof de français à Blaise-Cendrars dans le 93, évidemment que quand j’étais enceinte, mes élèves n’ont pas eu de cours de français pendant six mois leur année du bac. »

État d’exception

Cette vidéo résume à elle seule la colère qui ne cesse de grimper depuis le 26 février. De la maternelle au lycée, les enseignants sont nombreux en grève. Les revendications ambitieuses correspondent à un état des lieux réalisé avec les personnels de tout le département : il recense le manque de moyens humains et l’état du bâti.

40 % des établissements sont dépourvus de médecine scolaire ou d’infirmière, les élèves ont moins d’accès aux bourses (service social scolaire inexistant depuis parfois trois ans), les locaux sont insalubres (infestations de nuisibles dans 30 % des écoles) et sous-chauffés (50 % des collèges et lycées), fournaises en été. Sont donc vivement appelés à prendre leurs responsabilités : le ministère de l’Éducation Nationale, mais aussi les collectivités territoriales qui gèrent les bâtis (les communes pour les écoles, le département pour les collèges et la région Île-de-France pour les lycées).

Extension du mouvement

«Ce n’est pas de groupes de niveaux que nos élèves ont besoin mais d’effectifs réduits», a déclaré Zoé Butzbach, de la CGT Éduc’action 93 en riposte à la réforme dite de « Choc des savoirs » lancée par Gabriel Attal quand il était ministre de l’Éducation Nationale et dont la mise en place fait polémique aujourd’hui. Le plan d’urgence demande aussi l’abandon de la mise en place des groupes de niveaux en maths et en français qui nécessite le double de professeurs quand il en manque déjà pour faire cours à des classes entières.

Les parents qui soutiennent le mouvement sont appelés à ne pas envoyer leurs enfants en cours le 15 mars. Le 13 mars, à l’Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement, Jérôme Legavre, député de Seine-Saint-Denis, a lui aussi interpellé la ministre de l’Éducation Nationale, Nicole Belloubet : « Cette grève traduit un mouvement de fond et elle a une portée nationale. Elle fait partout l’objet d’une profonde sympathie parce que les problèmes et les besoins qu’elle pose sont posés partout. Craignez qu’elle soit contagieuse… ». Des établissements du Val d’Oise ont déjà rejoint le mouvement. Des assemblées générales doivent se tenir aujourd’hui à Paris et dans le Val-de-Marne.

J. R. K.


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