Épreuves de spécialités :
le lissage des notes au mépris
des correcteurs et des candidats
Par Stéphane Labbe, professeur de lettres (académie de Rennes)
Cette année, comme l’an dernier, les notes des épreuves de spécialités auraient-elles été relevées arbitrairement ? Aucune idée, je n’ai pas corrigé. Furieux d’avoir constaté à quel point le travail d’une année (réduit d’ailleurs à un semestre, bac en mars oblige !) était foulé aux pieds par l’organisation des examens, j’ai cessé d’enseigner les HLP (humanités, littérature, philosophie) en terminale.
L’an dernier, une majorité des copies que j’avais corrigées ont en effet été remontées de deux points. La clé de cette opération magique ? Santorin, logiciel de correction qui donne la possibilité aux inspecteurs pilotes des épreuves de modifier, en dehors de toute procédure de jury, les notes, de manière à les égaliser. Manifestement, l’opération s’est reproduite cette année. Certaines de ces notes, rehaussées de deux points, peuvent encore être remontées par les véritables commissions d’harmonisation qui ont lieu à la toute fin des épreuves, avant et après les rattrapages.
Que vaut aujourd’hui un bac obtenu sans mention ? Pas grand-chose, les délaissés de Parcoursup peuvent en témoigner. Est-il donc nécessaire de se livrer à une telle mascarade d’examen si les correcteurs sont à ce point niés dans leur travail ? Doit-on se réjouir d’obtenir 91 % de réussite au bac dans ces conditions ? Est-ce que nos inspecteurs, recteurs, ministres et autres responsables s’interrogent sur le message envoyé aux élèves avec de telles pratiques ?
Quid de la crise des vocations que le nombre d’inscrits aux concours de l’enseignement reflète ? Quand tout conspire à décrédibiliser le travail des professeurs, comment trouver des volontaires à bac + 5 ?
Nous travaillons avec nos élèves, nous leur enseignons la rigueur, nous tâchons de leur communiquer le plaisir de la littérature et de la réflexion dans une société qui offre du divertissement à profusion. L’école prolonge, voire amplifie, les inégalités sociales, mais la meilleure façon de permettre à un enfant de classe sociale défavorisée d’être fier de son diplôme, c’est de reconnaître une valeur à celui-ci. Un diplôme qui est le fruit d’un combat est un diplôme qui a du prix. C’est notre rôle de professeurs d’accompagner nos élèves dans ce combat.
Or, ce que l’administration semble dire, c’est qu’il n’y a pas à se battre, qu’il suffit pratiquement d’une inscription pour obtenir un diplôme. Les plus malins, les mieux placés savent qu’il n’en est rien et que le combat a lieu bien avant l’examen, dans la fabrication du dossier envoyé sur Parcoursup.
Pour une école plus égalitaire, il faut redonner du sens aux diplômes et cesser de tolérer les malversations de notes qui marquent un certain mépris pour le travail des correcteurs et plus généralement des professeurs.
S. L.
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