Frédéric Pommier, "L’assassin court toujours, et autres expressions insoutenables"
10Les malheureux qui font profession au quotidien d’écrire et/ou de parler (les journalistes, les écrivains, les professeurs et quelques autres…) savent qu’il leur faut se méfier d’une menace sourde et permanente : la facilité rédactionnelle, la paresse lexicale, le cliché, le lieu commun, l’expression toute faite ou – comme l’appelle Frédéric Pommier – insoutenable.
Celle qui sert de titre à cet hilarant recueil en est une : L’assassin court toujours. Pas la pire. Retoquer un texte n’est pas mal, Faire son deuil est triste mais efficace ; Rien n’a été laissé au hasard sert en de multiples occasions ; Une usine à gaz plaît beaucoup ; un désaveu est toujours cinglant et un échec cuisant.
Dans le même registre des inséparables, l’opus est forcément nouvel, le loup solitaire et la droite décomplexée. Quant à la tension, on la sent palpable ; le débat doit être recentré et le vent sera debout ; seuls les sportifs sont à l’aise car ils prennent toujours les matchs les uns après les autres.
Il nous vient, à lire Pommier, une grande envie de nous taire, unique manière d’échapper à diverses maladies fortement répandues, comme la ludopénite (contractée par l’usage abusif de l’expression : faire le jeu du Front national), la poissonothérapie (à partir d’un coup de filet), la tabulofracture (renverser la table), la friturticaire (faire tache d’huile), la gourdinopathie (un coup de massue), la panépilose (s’arracher comme des petits pains), etc.
Frédéric Pommier, impitoyable chroniqueur sur France Inter, connaîtrait-il des remèdes infaillibles contre ces douloureuses affections ?
Yves Stalloni
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• Frédéric Pommier, « L’assassin court toujours, et autres expressions insoutenables », Éditions du Seuil / France-Inter, 2015, 251 p.