Jack Lang, « Pourquoi ce vandalisme d’État contre l’École ? – Lettre au président de la République »
On avait pu soupçonner un moment Jack Lang de bienveillance à l’égard de l’actuel président de la République et de ses orientations politiques. Cette « lettre ouverte », directe, virulente, sans ménagement, dissipe tout malentendu et montre que l’ancien ministre a gardé sa liberté de parole et reste fidèle à sa famille de pensée.
Le moment, à quelques mois des élections présidentielles, lui paraît propice au lancement de ce vigoureux réquisitoire, ainsi que l’exprime l’incipit du chapitre V : « Il est temps de s’interroger sérieusement sur cet enthousiasme forcené qui accompagne la destruction programmée de l’école. »
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Une critique multiforme
Une telle entreprise est qualifiée de « vandalisme d’État » par référence à l’abbé Grégoire qui, voulant s’opposer aux destructions de monuments pendant la Révolution française, aurait eu recours au néologisme « vandalisme » ainsi justifié : « J’ai inventé le mot pour tuer la chose. »
Après quelques réflexions générales et consensuelles sur le rôle de l’École dans un pays démocratique, la philippique relève quelques marques de ce « vandalisme » : réduction substantielle du nombre de postes aux concours de recrutement (qui s’accompagne d’un recul des vocations et de la baisse très sensible du nombre des candidats) ; réformes mal pensées et bâclées, comme la semaine de quatre jours, les nouveaux programmes pour l’école élémentaire, jugés indigents et paresseux ; refus des évaluations sérieuses et de la prise en compte des résultats alarmants de l’indice PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis) ; suppression massive et continue du nombre de postes d’enseignants et de personnels d’encadrement ; traitement désinvolte de la montée de la violence dans les établissements scolaires ; abandon ou diminution du soutien scolaire, mesure qui favorise les officines privés et accentue les inégalités ; démantèlement de la carte scolaire ; enfin, last but not least, absence de formation pour les futurs professeurs avec la fin des IUFM.
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Une déconstruction menée au nom d’une logique libérale
Ce travail délibéré de déconstruction serait mené au nom d’une logique libérale camouflée sous des alibis d’économies pour temps de crise, et s’accompagnerait, si l’on en croit l’épistolier-procureur, d’une subtile stratégie de communication où les effets d’annonce et les démonstrations truquées abusent le public et autorisent l’imposture. Quelques rapides propositions dessinent, dans le dernier chapitre, les plans pour « bâtir l’école de l’avenir ».
On ne peut contester à Jack Lang, à deux reprises ministres de l’Éducation nationale, une vraie compétence pour évoquer les problèmes de l’École. L’exercice, pourtant, qui consiste, une veille d’élection, à stigmatiser les choix de ses successeurs pourrait avoir quelque chose de convenu. L’analyse, de plus, reprend des thèmes connus. La rédaction, enfin, trahit une certaine hâte.
Ce qui n’empêche pas cette lettre au Président, par sa force polémique, par l’esprit de responsabilité qui l’anime, par la netteté des arguments, de faire le point sur les difficultés actuelles de notre enseignement et de leur donner un salutaire coup de projecteur. On peut craindre toutefois que le message ne soit guère entendu par le destinataire et ne parvienne pas à faire bouger les lignes.
Yves Stalloni
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• Jack Lang, « Pourquoi ce vandalisme d’État contre l’École ? – Lettre au président de la République », Le Félin, 2011, 130 p.
• Le site « Une école nouvelle pour la France » ouvert par Jack Lang.