Jumeaux de cicatrices
Les petits orages de Marie Chartres relate l'amitié entre deux adolescents, l’un victime d’un grave accident et l’autre issu d’une réserve indienne du Dakota. Ensemble, ils vont mettre des mots sur leurs maux.
Par Yves Lucas, professeur de lettres, académie de Rennes
Les petits orages de Marie Chartres relate l’amitié entre deux adolescents, l’un victime d’un grave accident et l’autre issu d’une réserve indienne du Dakota. Ensemble, ils vont mettre des mots sur leurs maux.
Par Yves Lucas, professeur de lettres, académie de Rennes
Moses se sent meurtri. Un accident de voiture lui a emporté une jambe et le contraint à se déplacer en béquille tandis que sa mère est bloquée sur un fauteuil roulant. Il a distrait l’attention de sa mère qui conduisait. Il se sent comme « marié à l’ombre et à la honte ». Il n’a plus goût à rien et souffre le martyre. Son père se mure dans un silence pesant, sa mère a perdu la joie de vivre et lui s’irrite facilement face à ses parents. Les mots, s’ils sortaient, atténueraient ses orages intérieurs, mais ils restent coincés dans sa gorge. Pour ne rien arranger, les boutons qui éclosent sur le visage de l’adolescent ne font rien pour arranger ses relations avec les autres.
Un événement va bouleverser son quotidien rythmé par les rendez-vous médicaux : l’arrivée au lycée d’un Indien nommé Ratso, originaire d’une réserve du Dakota. Moses se sent petit à côté de ce solide gaillard qui souffle le chaud et le froid, et affuble du sobriquet de Tige briséele malheureux handicapé. Ratso affiche une attitude désinvolte en classe, mais passe son temps à lire chez les petits vieux qui ont accepté de l’héberger. Le sort rapproche les deux garçons, qui se comprennent sans se confier l’un à l’autre. Ratso concasse des bouteilles d’alcool et remplit des bocaux de débris de verre poli pour l’anniversaire de sa sœur, Dusti Rose Jumping Eagle, restée dans la réserve de Pine Ridge. Quand il part dans son vieux break Volvo pour s’y rendre, il propose à Moses de l’accompagner…
L’autre volet du roman rapporte le périple de ces « jumeaux de cicatrices », qui apprennent à se connaître et découvrent la difficulté de mettre des mots sur leurs maux. La tombe de Dusti Rose va libérer la parole et être le lieu d’une renaissance, pour Ratso comme pour Moses. Du passé et du présent retrouvés naît une foi en l’avenir. Ratso parle de se battre pour sortir la réserve de l’isolement. Moses, qui se sent « fier » de l’avoir rencontré, se voit lui-même et ses parents comme des cœurs « en cristal ». Après l’étape de recueillement au cimetière vécue comme une « communion », le périple s’achève par une visite de la réserve. La cérémonie de l’arbre sacré officialise l’intronisation de Moses parmi les membres de la tribu. Le garçon accepte cet honneur ; comme le lui rappelle Sherman, le maître d’œuvre et homme-médecine, il sera le « veilleur » de Ratso pour ses futures études de droit. Moses connaît sa part de responsabilité envers « le grand frère de [s]es nuits » et cette promesse scelle l’amitié des deux garçons.
Activités de lecture cursive
Le texte de Marie Chartres se construit sur un réseau d’indices qui, mis en opposition ou en contraste, éclairent le sens de lecture. Voici un certain nombre d’indices. Retrouvez d’autres pages que celle qui vous est indiquée.
– Mon aventure : p. 154… (cf. p. 224)
– Le coffret en bois : p. 167… (cf. p. 91, 270, 298)
– Le whisky, l’alcool : p. 161… (cf. p. 231-234)
– La tribu des Lakotas : p. 37-39 (cf. p. 190, 262, 265, 277)
– Le père de Moses : p. 51… (cf. p. 64, 76, 247, 279, 281)
– La mère de Moses p. 51… (cf. p. 84, 247, 296)
– Les éclats de verre poli : p. 134… (cf. p. 235)
– L’histoire du chien de Moses : p. 253 et s.
Comparez ces pages. Quelles réflexions vous inspirent ce rapprochement ? Certaines formulations vous paraissent justes, lesquelles ? Pourquoi ?
Au besoin, ajoutez une phrase du récit à mettre en rapport avec ce que vous avez retenu. Par exemple, celle-ci s’applique bien à la première partie : « Parfois, on se fie inconsciemment aux fils invisibles qui peuvent relier deux vies » (p. 169).
Enfin, deux idées d’exposé sont proposées :
1. Début et fin de récit. « Je me suis senti soulevé dans les airs » (p. 22, 239). Les mots sont les mêmes, mais Ratso a changé du tout au tout. Quel style de personnalité affiche-t-il au début ? Quel est son état d’esprit à la fin ? Comment se comporte-t-il ?
2. Wounded Knee. Présentez à grands traits la fin de l’histoire des Indiens de la prairie, laquelle commença après la guerre de Sécession (1861-1865)… En janvier 1891, les derniers Indiens se rendirent. Après le massacre de Wounded Knee Creek, la résistance des Indiens et leur courage étaient brisés à jamais.
Si vous trouvez le livre de Dee Brown, Enterre mon cœur à Wounded Knee (Stock, 1973) , lisez-en quelques extraits. C’est le premier récit de la conquête de l’Ouest américain vue du côté indien.
Marie Chartres, Les petits orages, l’école des loisirs, 278 pages