L’Atelier Cinéma, un nouveau dispositif d’éducation à l’image dans les écoles
Drôle de monde. Tandis qu’on détricote d’un côté, on tisse de l’autre…
Alors que la réforme du lycée engagée par Jean-Michel Blanquer fait planer de sérieux périls sur l’avenir des sections cinéma audiovisuel (CAV), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) vient d’inaugurer, en partenariat avec les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture, un nouveau dispositif d’apprentissage à l’image : l’Atelier Cinéma.
Pouvoir de fascination des images
Ce projet prend la forme d’un jeu éducatif et s’adresse aux classes de cycle 3 (CM1, CM2 et 6e). Il a pour objectif d’intégrer la lecture de l’image dans le cursus scolaire de tous les enfants afin qu’ils puissent apprendre à lire les images comme ils apprennent à lire les mots. L’intérêt est qu’ils en saisissent le sens et en comprennent la portée subjective.
Comme un texte écrit ou un énoncé oral, le langage des images a sa grammaire qu’il est urgent d’expliquer aux jeunes élèves. Urgent, car si les images prolifèrent et envahissent le monde aujourd’hui (qu’on le déplore ou non, c’est une vérité que l’on ne peut ignorer), elles contiennent toutes une intention, comme les mots, qu’il est important de savoir décrypter pour s’en défendre.
Comme les mots, les images exercent un pouvoir ; elles contiennent des subtilités et des pièges ; elles ont leurs formes, leurs registres, leurs figures. Elles fascinent, aliènent, manipulent. Le lecteur de demain doit aussi être un « visionneur averti ». Par-delà le goût des mots et des images (goût dont on ne dira jamais assez la préalable importance), celui-ci doit être sensibilisé aux stratégies mises en place par leurs discours afin d’exercer librement son œil critique.
Cinq activités pour construire un film
Dans cette optique, l’Atelier Cinéma offre aux élèves d’étudier la fabrication des images. Le format ludo-éducatif du projet se divise en cinq grandes étapes : écriture du scénario ; définition des cadrages ; élaboration d’une équipe technique ; choix du tournage ; construction du montage. Chacune d’elles propose des activités en lien avec les programmes.
Initiés par le jeu au vocabulaire cinématographique, les élèves découvrent la singularité de l’écriture scénaristique. Ils apprennent à lire et à justifier les différentes échelles de plan. Ils sont confrontés à la syntaxe du montage, étape déterminante à la lisibilité et aux enjeux d’un film. Ce faisant, les élèves constatent que la conception d’un film est un travail d’équipe où chacun remplit un rôle aussi spécifique qu’indispensable.
Passant de l’apprentissage à la pratique, les élèves sont amenés au terme du jeu à réaliser un petit court-métrage. Ce dernier travail est l’occasion de vérifier les compétences acquises et de manipuler des outils de création, grâce à une application intuitive et selon un triple objectif (technologique, narratif et discursif).
L’Atelier Cinéma pour tous
L’Atelier Cinéma s’appuie, à titre d’exemple, sur le long-métrage d’animation Azur et Asmar de Michel Ocelot. Sorti en 2006, le film figure, par ailleurs, au programme « École et cinéma » depuis 2009. Ses nombreuses qualités esthétiques et son large message humaniste (ouverture à l’autre, écoute, tolérance…) ont motivé son choix, en accord avec les professeurs qui ont testé les différentes versions du dispositif.
L’Atelier Cinéma se présente sous deux versions, l’une physique, l’autre numérique pour tablettes et téléchargeable sur Google Play ou App Store (deux géants du numérique qui s’exonèrent régulièrement d’impôts en France et à l’étranger). La version physique du jeu consiste en une boîte de cinq coffrets correspondant aux activités évoquées plus haut. Chacune d’elles se divise en deux ou trois niveaux de difficulté croissante et permet à l’enseignant de faire jouer ses élèves par petits groupes. Enfin, un livret pédagogique avec glossaire aide le professeur dans la conduite de ses travaux.
En cours de déploiement, l’Atelier Cinéma devrait à terme concerner les quelque 37 000 écoles du pays. Les collèges devront, quant à eux, en formuler la demande auprès des IA-IPR de Lettres ou du Réseau Canopé.
Philippe Leclercq
Voir également sur ce site :
• Création du César des lycéens, par Philippe Leclercq.
• « Azur et Asmar », de Michel Ocelot, par Antony Soron.