Parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) : le programme de français commenté
Vers une reconnaissance de la littérature de jeunesse ?
Le programme des classes préparatoires au professorat des écoles est désormais connu : les éléments de cadrage du PPPE sont disponibles sur Eduscol et chacun peut voir s’il y trouve son compte. L’enjeu était de tenir l’équilibre entre culture littéraire et littérature de jeunesse, approfondissement des acquis scolaires et initiation à la culture d’enfance, dans l’esprit d’une véritable préparation à un enseignement en primaire.
Cet objectif se traduit par la reprise de quatre champs disciplinaires bien connus : l’étude de la langue, le travail de l’écriture, la pratique de l’oral, les connaissances littéraires et artistiques.
Chaque point est évidemment nécessaire, indispensable, et même si en apparence chacun ne semble que poursuivre les directions suivies dans le secondaire, on peut espérer qu’un réel approfondissement, une réelle approche systématique, impossible au lycée, sera désormais conduite pour donner à terme une pleine assurance à ces jeunes étudiants en matière de grammaire, techniques d’expression écrite ou orale ainsi que littérature.
L’étude de la langue
En ce sens les indications portant sur la maîtrise de l’écrit ou de l’oral auraient pu être plus directives ou plus explicites en renvoyant par exemple pour le savoir-écrire à des formes plus dégagées des exercices scolaires, se tournant notamment vers les techniques en vigueur dans les nombreux ateliers d’écriture qui forment ou aident simplement celles et ceux qu’animent le désir d’écrire et de créer. Mais le programme se veut prudent, invitant à des productions variées, depuis les textes informatifs et explicatifs jusqu’aux textes argumentatifs.
Pour l’oral, même regret devant une certaine timidité dans les indications portant sur les techniques de diction et d’élocution. Si la porte est ouverte aux conseils de comédiens rien du côté des orateurs dont l’éloquence s’appuie pourtant sur une vraie connaissance de la langue (rythme, sonorité) et de la voix (la fameuse « action » de la rhétorique ancienne). Rien non plus du côté des narrateurs de livres audio dont pourtant le succès est grandissant. Et rien sur le chant, voire le slam.
Les programmes de littérature
Concernant les programmes de littérature, deux objets d’étude sont enseignés :
– Aventures et lecture (axe 1 : L’aventure et l’ailleurs : représentions de l’autre
axe 2 : Personnages et lecteurs : une relation interdépendante ?).
– Littérature et images (axe 1 : Portraits de l’enfant : dialogue des mots et des images ; axe 2 : Contes, mythes et légendes : textes et représentations artistique; axe 3 : Poésie et peinture : deux arts en résonance).
Ce objets d’étude tiennent à la fois de la culture générale et de de la culture jeunesse. Un abondant corpus de textes est fourni, emprunté à tous les genres, tous les pays et tous les siècles pour se façonner réellement une culture solide de l’aventure et de l’enfant. Comme on le voit c’est le modèle des objets d’étude propres au secondaire qui reste en vigueur en PPPE, loin des programmes des classes préparatoires à l’ENS ou HEC où la rupture est plus marquée avec le lycée, avec l’étude de thèmes, questions et parfois même d’œuvres, travaillés à fond comme de vrais spécialistes.
Cette fidélité à l’enseignement dans le secondaire est peut-être dommage pour des jeunes bacheliers aspirant sans doute à quelques chose de plus neuf une fois parvenus dans le post-bac. L’esprit prépa aurait voulu des thèmes renouvelés chaque année, distinguant chaque promotion, comme par exemple l’enfant et l’animal, le surnaturel, adultes et enfants, poésie et chanson, etc.
Les concepteurs de ces programmes ont-ils eu peur d’un objet d’étude trop spécialisé ? Peut-on parler de rendez-vous manqué ? La littérature de jeunesse et d’enfance qui tient pourtant une place désormais à part dans les études universitaires est en effet traitée ici dans un ensemble qui l’englobe et la dépasse. Il est dommage que ce qu’elle compte de théoriciens (Nathalie Prince), d’historiens (Isabelle Nières- Chevrel), de spécialistes (Christian Poslaniec), de défenseurs (Denise Escarpit) ne trouve pas droit de cité et son objet d’étude propre dans une prépa qui a vocation à former de futurs professeurs des écoles, premiers passeurs de cette culture d’enfance et de jeunesse.
De même pour le magazine pour enfants, la bande dessinée, le livre illustrée, qui auraient mérité un traitement spécifique et une reconnaissance pleine et entière de l’institution scolaire. Là aussi, une littérature critique, historique et théorique existe (Raymon Perrin), définissant un champ scientifique à part entière et traçant les contours d’une relation problématique avec l’enseignement (Nicolas Rouvière).
L’offre des universités partenaires et de l’édition jeunesse
Au demeurant, ces regrets sont peut-être sévères car ces éléments de cadrage ne disent rien sur le complément d’études proposé par les universités partenaires (quel contenu ?), et surtout n’interdisent aucun approfondissement, notamment par le biais des partenaires et autres intervenants extérieurs invités à enrichir par des conférences et des ateliers le travail des professeurs.
Plus qu’ailleurs le contact avec le monde de l’édition de jeunesse, ses auteurs, ses illustrateurs, les rencontres avec le monde des bibliothécaires, leurs animations pour enfants, leurs concours, leurs conteurs, constituent une ressource non négligeable pour assurer une formation complète et originales à toutes celles et ceux qui veulent travailler auprès des enfants. C’est fort de cet éventail de propositions, de découvertes et de travaux qu’une pareille prépa deviendra une véritable chance pour les candidats à l’enseignement en école.
Quelle évaluation ?
Reste, pour finir – mais toutes les années d’études se finissent par là – à dire un mot des examens : les programmes restent très vagues et comme embarrassés sur ce point, évoquant brièvement des évaluations régulières et variées. En l’absence d’un concours national (comme pour les classes préparatoires) ou d’un examen (comme pour les BTS), on se demande encore comment sera sanctionné le travail fourni par les élèves et le niveau atteint.
Comme il est impensable qu’il suffise d’être inscrit en classe PPPE pour passer automatiquement en année supérieure, bien des interrogations demeurent : à chaque classe ses critères et ses modalités d’évaluation ? Épreuves sur table, dossier ? Évaluation distincte grammaire/littérature ? Essai ? Écrit d’invention ? À n’en pas douter des précisions ne tarderont pas à nous être apportés. Pour l’heure contentons-nous d’un programme désormais connu, globalement rassurant et encourageant, sans nul doute profitable à tous les futurs étudiants en PPPE.
Pascal Caglar
• Le Parcours préparatoire au professorat des écoles.
• Cadrage national des enseignements disciplinaires au lycée.
• Quelques ouvrages de base :
Collectif, Lire est le propre de l’homme. De l’enfant lecteur au libre électeur, l’école des loisirs, 2012.
Denise Escarpit, Littérature de jeunesse, itinéraire d’hier à aujourd’hui, Magnard, 2008.
Isabelle Nières-Chevrel, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier, 2009.
Nathalie Prince, Littérature de jeunesse : pour une théorie littéraire, Armand Colin, 2015.
Christian Poslaniec, Se former à la littérature de jeunesse, Hachette, 2008.
Raymond Perrin, Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans (1901-2000), L’Harmattan, 2005.
Raymond Perrin, Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle, L’Harmattan, 2014.
Michèle Petit, Éloge de la lecture. La construction de soi, Belin, 2016.
Nicolas Rouvière, Bande dessinée et enseignement des humanités, Ellug, 2012.
• Voir également les très nombreux articles et dossiers consacrés par « l’École des lettres » à la littérature de jeunesse et à sa transmission.