L'école au lendemain du Brexit
Le Brexit a ébranlé l’Europe. Il a lézardé ce rêve d’unité et de communauté, construit sur les vestiges de la Seconde Guerre mondiale. L’Europe a du mal à croire qu’un de ses membres puisse faire ainsi le choix de la quitter… Les répercussions du Brexit se font sentir dans chacun de nos pays.
Cette violente onde de choc a réveillé tous ceux qui pensaient que l’Europe allait de soi, qu’elle ne serait jamais vraiment remise en question, que les peuples préféreraient toujours cette unité au repli sur eux… Devant cet événement, que peut dire l’école ?
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Un monde où l’on reconnaît l’autre au-delà des nationalités
Il est important, bien sûr, de rappeler aux élèves que le monde s’est toujours fondé sur des échanges et que ceux-ci ont été essentiels dans l’histoire des civilisations et de l’humanité. Il est capital qu’ils comprennent combien ce maillage a enrichi l’Homme et fondé son histoire. Les échanges européens, qui concernent tous les âges, tous les domaines, promeuvent la richesse d’une éducation tout au long de la vie, où l’on a à apprendre pour soi et surtout des Autres. L’unité dans la diversité… Cette belle devise européenne nous dit la richesse de cette expérience de l’Autre.
Mais l’Europe est aussi le champ où s’expérimentent la paix, l’amitié entre les peuples… Les élèves qui ont fait des projets européens gardent en mémoire cette idée que partout, dans chaque pays européen, ils ont des amis. Il y a eu et il y a encore, dans le fait de vivre cette Europe, comme une naissance à un monde nouveau, autre, un monde d’amitié partagée par tous. Un monde où, au-delà des nationalités, l’on reconnaît l’Autre parce qu’il est européen comme soi. Comme l’aube d’un monde nouveau…
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Éduquer à la réflexion et à un véritable esprit critique
Cependant, le Brexit a obscurci ce paysage… Mais que rappelle finalement le Brexit ? Que les peuples sont souverains. Que les hommes politiques ne tiennent que d’eux leur légitimité. Et que le rêve européen ne pourra se faire sans ces peuples. L’école a beaucoup à dire et à faire dans ce domaine : ceci repose de façon aiguë la question des peuples éclairés, fondement des démocraties.
Une démocratie, où le peuple a vocation à jouer un rôle premier, doit éduquer les élèves à une réflexion et à un véritable esprit critique dès leurs plus jeunes années, et leur donner les moyens de prendre des décisions.
Cela donne une place centrale aux débats : ces derniers doivent être pratiqués en classe, sans esquive, et porter sur de vraies questions, ils doivent laisser s’exprimer des positions différentes et contradictoires, montrer l’importance et le pouvoir de l’argumentation, mais aussi de l’approfondissement des questions, pour parvenir à des décisions satisfaisantes.
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Les élèves sont le fondement de la démocratie
L’école a à dire aux élèves combien ils sont la base de la démocratie, son fondement. Le vote est un acte. Mais les élèves ont de multiples façons d’agir, dans leur école, dans leur monde. L’école doit faire comprendre aux élèves qu’ils peuvent – et doivent – prendre un part active à la société, qu’ils peuvent changer le monde pour le rendre plus proche de leurs aspirations.
Plus les peuples prendront part à l’Europe et moins ils seront tentés de la rejeter. L’école doit leur apprendre que les actes qu’ils vont poser dans la société, en aidant des camarades, par exemple, ou au contraire en tolérant l’injustice, ne sont jamais neutres. Ils construisent une société. Dans la vie de classe de tous les jours, l’on doit laisser de la place aux actes des élèves et les aider à y réfléchir. Créer le monde dans lequel ils vivent, choisir les solutions qui leur semblent les meilleures, leur évitera de camper sur des positions contestataires pouvant aboutir à des choix politiques graves.
Tout ceci se prépare en classe, dès les plus jeunes années. Et si le Brexit, après tout, nous rappelait ces règles essentielles de la démocratie, la nécessité de prendre en compte, réellement, les peuples, et la légitimité essentielle de l’école, son rôle capital de formation des peuples ? L’on ne peut souhaiter que cela : que le Brexit aide l’Europe à devenir une vraie démocratie et que l’école y retrouve la place centrale qui est la sienne pour former un peuple vraiment éclairé, capable de construire une Europe à laquelle il adhère pleinement.
Viviane Devriésère
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