Les formateurs FLE, Alpha, RAN, LCI : une espèce en voie d’ubiquité

Affiche éditée par un centre social
Affiche éditée par un centre social

En France, un enseignant de français langue étrangère est appelé à intervenir dans de multiples cadres: mairies, centres de formation, centres sociaux, écoles de langues, associations, entreprises de sous-traitance qui proposent des cours particuliers ou collectifs.
Il y apprend à enseigner la langue auprès d’un public très divers : signataires du «contrat d’accueil et d’intégration » (analphabètes et migrants scolarisés ou diplômés), Français en situation d’illettrisme, analphabètes francophones, cadres expatriés, remise à niveau de salariés ou de demandeurs d’emploi français (RAN), etc. Diplômé bac + 4 ou + 5, qu’il ait peu ou beaucoup d’expérience, il se voit constamment proposer des contrats très précaires : CDD, CDDU ou statut d’auto-entrepreneur à des taux horaire dérisoires.
Tout enseignant quelque peu aguerri sait distinguer ces publics et en connaît les spécificités pédagogiques ou ne tarde pas à les découvrir. Trop souvent pourtant, pour des questions de logistique et de financement, ces publics se retrouvent dans un même cours avec un unique enseignant qui doit alors jongler avec des niveaux et des attentes tout à fait hétérogènes.

Des enseignants multicartes

Pour répondre aux problèmes de niveaux et de typologies soulevés par ces enseignants, de nombreuses formations de formateurs ont vu le jour. Les enseignants, souvent contraints d’y assister, y découvrent comment mieux « gérer » leurs classes : il s’agit de diviser les élèves en petits groupes, d’individualiser les pratiques d’enseignement et, si possible, de sautiller allègrement parmi tous ces individus qui ont des attentes et des besoins foncièrement différents.
Cette méthode, loin d’être impraticable, requiert néanmoins un temps de préparation et des moyens dont très peu d’enseignants disposent. Avec une moyenne de 30 heures de cours par semaine et des groupes pouvant atteindre 25 personnes, ce système révèle rapidement ses limites : les apprenants sont démotivés car on ne répond pas aux exigences de leurs niveaux respectifs et les enseignants vite épuisés.
Pour qu’une telle pratique soit réellement efficace, l’idéal serait de poser deux heures de préparation pour une heure de cours. Il faudrait donc que les enseignants assurant 30 heures de cours travaillent 90 heures par semaine – ou bien qu’ils ne donnent que 12 heures de cours hebdomadaires, comme cela se pratique dans certains centres sociaux parisiens.
Autre solution qui nous paraît plus judicieuse, et plus économique à long terme : répartir  les professeurs selon les niveaux et les typologies. Cette formule serait plus économique car elle permettrait aux élèves d’apprendre de manière plus efficace.
 

« Un mari qui râle pour tirer un rat », vous suivez ?

Par ailleurs, si les éditeurs proposent des méthodes pédagogiques assez diversifiées pour un public FLE, presque rien n’a été publié depuis les ouvrages de Bernard Gillardin ou le Lettris de Nathan dans le domaine de l’illettrisme.
Quant aux méthodes d’alphabétisation, si par miracle leur progression n’est pas trop rapide, on peut lire encore qu’un certain « mari » débarqué du ciel, « râle » et « tire un rat » pour enseigner la lettre « ». L’autre alternative, pas nécessairement plus glorieuse, consiste à piocher dans les milliers de sites existants des fiches pédagogiques fort bien élaborées pour apprendre à lire et à écrire au CP.
Quand un enseignant refuse d’invoquer « un mari qui râle pour tirer un rat », quand il résiste à l’infantilisation des êtres, il doit lui-même inventer des fiches pédagogiques adaptées. On passe alors à trois heures de préparation pour une heure de cours. Pour parvenir à exercer son métier le plus respectueusement possible dans les conditions actuelles, un enseignant devrait donc travailler minimum 120 h par semaine. C’est-à-dire exactement cinq journées de 24 h. Des candidats ?

Sai Beaucamp Henriques

 
 Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) – dont l’opportunité est discutée – devient obligatoire en juillet 2006.
• Bernard Gillardin, « Apprentissage du français oral et écrit », Retz, 1996.
•  Bernard Gillardin, « Maîtriser la lecture et l’écriture – Méthode pour adultes », Retz, 1996.
 
Voir sur le site de « l’École des lettres » :
– Dis-moi comment tu écris, je te dirai qui tu es, par Sai Beaucamp Henriques.
Favoriser la maîtrise de la langue française et agir contre l’illettrisme à l’école et avec l’école.
Illettré, ça prend un ou deux « t » ?, par Sai Beaucamp Henriques.
Prévenir l’illettrisme, circulaire de novembre 2013.
 
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Sai Beaucamp Henriques
Sai Beaucamp Henriques

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