Les mille vies de Pompéi
Pompéi, l’un des emblèmes patrimoniaux les plus connus au monde, se prête bien à des séquences d’histoire des arts confrontant réalités archéologiques et imaginaires, littérature et peinture, fiction et documentaire.
L’abondance de publications ou d’émissions à l’occasion d’une exposition très médiatisée au musée Maillol, à Paris, ouvre de nombreuses pistes de recherche.
Comme le souligne Béatrice Robert-Boissier dans son récent ouvrage, Pompéi. Les doubles vies de la cité du Vésuve, « Tour à tour terrain de batailles armées, objet de conflit entre intérêts politiques et scientifiques, joyau de la couronne napolitaine et manifeste d’une Italie libérale et unifiée, laboratoire de politiques patrimoniales et destination touristique de premier choix : Pompéi semble avoir vécu mille vies, anthumes et posthumes ; ce qui n’est ici ni lapalissade ni oxymore. »
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Alexandre Dumas, Naples et Pompéi
On sait que la résurrection de Pompéi et d’Herculanum et l’émergence des prémisses de l’archéologie sont liées, notamment à travers la figure de Winckelmann et ses Lettres sur la découverte d’Herculanum parues en français en 1764. Les premières fouilles, peu scientifiques, consistaient à récupérer des œuvres d’art pour les familles royales, ce qui finit par donner naissance au musée archéologique de Naples dont Alexandre Dumas fut en 1761 un éphémère directeur par la grâce de Garibaldi. Pour découvrir ce musée avec un livre, un DVD et un audioguide en mp3, on pourra se procurer le numéro de la collection « Les plus beaux musées d’Europe » publiée début décembre par Le Figaro.
L’Antiquité devint à la mode, ce dont témoigne par exemple l’influence considérable de l’ouvrage de l’abbé Barthélemy, Le voyage du jeune Anacharsis en Grèce, ou les nombreux emprunts à la culture politique de l’Antiquité par la Révolution française.
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Un topos littéraire
Goethe, Chateaubriand, Dumas, Nerval, Stendhal firent le voyage à Pompéi qui devint aussi un topos littéraire comme en témoignent entre autres Arria Marcella de Gautier et Gradiva de Jensen sans parler des Derniers Jours de Pompéi de Bulwer-Lytton. Claude Aziza, dans l’anthologie Pompéi : le rêve sous les ruines, Presses de la Cité (1992) et Omnibus (1999), définit ainsi cette vision imaginaire :
« Pompéi, un des hauts lieux de la joie de vivre, une espèce de Saint-Tropez antique fait sur mesure pour la jet society romaine. Une cité plongée dans la dépravation et le stupre, dont les habitants dévoraient du chrétien tous les matins à leur petit déjeuner avec l’aide de quelques braves lions entre deux combats de gladiateurs. Ville maudite, dont l’impiété a été punie le 24 août 79 par le Vésuve Vengeur ! »
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Modernité de la civilisation romaine
L’exposition « Pompéi. Un Art de vivre », présentée jusqu’au 12 février 2012 au Musée Maillol, sous la tutelle du Ministero dei Beni Culturali e le Attività Culturali et de la Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei, « s’attache à montrer la modernité de la civilisation romaine, socle et mémoire incontournable de notre culture occidentale ». « L’exposition invite le visiteur à circuler dans cette maison comme si elle était sienne, créant pour un instant l’illusion, malgré les 2000 ans qui nous séparent, d’être les invités des maîtres de maison. » Immersion dans l’Antiquité donc même si les pièces choisies pour figurer dans l’exposition ne proviennent pas de la même maison, à l’heure où Google maps et son Street view nous dispenserait presque du voyage.
Historia (octobre 2011) nous fait ainsi visiter une villa type avec un agent immobilier… virtuel : « En devenant propriétaire d’une villa (ou domus), vous appartiendrez à la catégorie des habitants les plus respectés de la cité. » Le hors-série du Figaro nous fait partager neuf journées de la vie de Pompéi et les dernières heures de Pline l’Ancien.
Beaucoup plus classiquement, on pourra retrouver reconstitutions et photos dans la nouvelle édition de Pompéi dans la collection « Voyages d’Alix » chez Casterman. L’éditeur n’a pas profité de la réédition pour changer la date de l’éruption fixée traditionnellement au 24 août 79 mais remise en question par les archéologues. Pour plus de précisions, on se reportera aux explications d’Alix Barbet dans l’émission Carnet nomade du 12 novembre.
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Un renouveau des connaissances apportées par l’archéologie
L’exposition ne craint pas de montrer comment le sexe était pour les Romains un phénomène positif, une source de vie et de joie, un élément magique. Elle a pour ambition de mettre en valeur les nouvelles connaissances apportées par l’évolution de l’archéologie : « C’est cette connaissance qui rend toujours plus intéressante la visite de Pompéi, celle d’Herculanum ou celle du musée de Naples, car elle nous mène au-delà du cliché souvent imposé par notre culture du tourisme de masse et qui fait trop facilement de Pompéi la ville de la jouissance et de la mort. »
Enfin, les récents écroulements de maisons à Pompéi permettent de réfléchir à la fragilité de la ville, aux pratiques du tourisme de masse, au rôle de l’Unesco et des mécènes pour pallier l’État italien.
Daniel Salles
• Les Derniers Jours de Pompéi, d’Edward Bulwer-Lytton, dans la collection Classiques abrégés.
• Un dossier de l’École des lettres sur « Les Derniers Jours de Pompéi », d’Edward Bulwer-Lytton, exclusivement réservé aux enseignants, disponible sur demande à courrier@antouun.com (merci de préciser votre établissement).
• Un album documentaire : Pompéi a disparu, d’Olivier Mélano, dans la collection Archimède.
• Pompéi : étude de l’image de l’Antiquité dans l’École des lettres.
• Béatrice Robert-Boissier, « Pompéi. Les doubles vies de la cité du Vésuve », Ellipses, 2011.
• « Pompéi. Un art de vivre », catalogue de l’exposition, coédition Gallimard-Musée Maillol.
• Karl-Wilhelm Weeber, « Fièvre électorale à Pompéi », Les Belles-lettres.
• Deux émissions de radio consacrées à Pompéi : sur France Inter et sur France culture.