Les Trois Mousquetaires débordent d’énergie
Le roman d’Alexandre Dumas est mis en scène au théâtre Le Ranelagh par un spécialiste des adaptations, Jean-Philippe Daguerre, assisté de Charlotte Matzneff. Avec des instruments pour tout décor, les comédiens flamboient pour incarner sur scène ces héros du roi et faire honneur au texte d’origine.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres
Le roman d’Alexandre Dumas est mis en scène au théâtre Le Ranelagh par un spécialiste des adaptations, Jean-Philippe Daguerre, assisté de Charlotte Matzneff. Avec des instruments pour tout décor, les comédiens flamboient pour incarner sur scène ces héros du roi et faire honneur au texte d’origine.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres
Depuis leur publication en feuilleton en 1844, Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas n’ont jamais cessé d’inspirer des réécritures et des adaptations, plus ou moins heureuses, tant au cinéma qu’au théâtre. Celle de Jean-Philippe Daguerre, dans le joli petit théâtre Le Ranelagh aux sculptures boisées, est une réussite, sachant aussi bien respecter l’œuvre originale et son esprit qu’en proposer une version théâtralement convaincante.
Jean-Philippe Daguerre, ici assisté de Charlotte Matzneff, est un spécialiste des adaptations, notamment des grands classiques revisités pour les scolaires et le grand public. Son talent est comparable à celui des rédacteurs de « classiques abrégés » (respect du style, recomposition sans trace de suppression, dynamisation de l’action), auquel s’ajoute cet art de raconter au moyen du seul langage dramatique : dialogue, jeu sur scène, ressources théâtrales (décor, musique, costume, lumières).
Sa mise en scène des Trois Mousquetaires relève à la fois de la plus grande économie et d’une belle débauche d’énergie. D’un côté, trois musiciens sur scène (accordéon, guitare, cajon) assurent à eux seuls tout l’habillage de la pièce, suggérant musicalement tous les lieux de l’action. Et ils sont nombreux, du Louvre au couvent des Carmélites, de Paris à Londres, de la Gascogne à La Rochelle, des appartements de Milady à la chambre de Constance. De l’autre côté, un plateau régulièrement empli de combats énergiques dignes des plus glorieux films de cape et d’épée. Ces scansions, tantôt musicales tantôt spectaculaires, assurent une liaison habile entre les scènes dialoguées où alternent intrigues dramatiques et sentimentales, conférant ainsi une unité théâtrale solide à une action générale foisonnante.
Le plaisir et la joie pris à ce spectacle tiennent bien sûr au personnage flamboyant de d’Artagnan dont Jean-Philippe Daguerre a soigné la stature héroïque. Toutes les caractéristiques du héros que le programme du collège (thème « Héros et héroïsme ») invite à étudier sont à retrouver sur scène. D’abord son origine et sa mission, qui lui confèrent un destin fait de noblesse et d’honneur : faire honneur à son père, à sa province, à son roi et à son pays (scène 1) ; son intrépidité, qui signe sa distinction dans la vaillance et l’excellence militaire (scène 2, avec les mousquetaires) ; une générosité de cœur et une pointe de galanterie au service des dames (scènes avec la reine et surtout avec Constance) ; un charisme et un ascendant sur tous, qui poussent les plus grands à l’admirer (scènes avec le roi ou le duc de Buckingham) ; un combat contre les forces du mal (le cardinal Richelieu, Rochefort, Milady) renvoyant à une vision manichéenne du monde.
Ce d’Artagnan, servi par un acteur enthousiasmant, incarne le héros tel que la tradition nous en a légué l’image. C’est d’ailleurs une marque du théâtre pour la jeunesse que de respecter la tradition, confirmer les souvenirs et les imaginaires fixés par le temps, répondre à une attente, une espérance de retrouvailles. C’est toute l’ambition du Grenier de Babouchka, la compagnie de Jean-Philippe Daguerre, que de servir les textes avant toute chose, se contentant de souligner finement certains échos avec l’actualité, comme ici les rapports homme/femme.
Le théâtre Le Ranelagh accueille cette troupe depuis de nombreuses années, et cette saison 2021-2022 réserve encore bien du plaisir à celles et ceux qui viendront en famille ou avec leurs classes voir ou revoir quelques-uns des grands classiques interprétés par des acteurs et actrices généreux et talentueux. Citons pour les six mois à venir : Dom Juan, Le Médecin malgré lui, Le Bourgeois gentilhomme, L’Avare, Le Cid, ou encore Cyrano de Bergerac.
Avec quelques autres théâtres comme l’Essaïon (75004) ou l’Espace Paris Plaine (75015), Le Ranelagh est l’une des toutes premières salles parisiennes spécialisées dans la programmation de spectacles de qualité pour scolaires et jeune public.
P. C.
Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, mise en scène : Jean-Philippe Daguerre et Charlotte Matzneff. Avec Geoffrey Callènes, Stéphane Dauch, Axel Drhey, Émilien Fabrizio, Caroline Frossard, Barbara Lamballais, Xavier Lenczewski, Tonio Matias, Christophe Mie, Sandra Parra, Marguerite Dabrin, Thibault Pinson, Julien Renon, Édouard Rouland.
Au théâtre Le Ranelagh jusqu’au 31 janvier 2022. Possibilité de représentation spéciale pour les scolaires.