« Métaphores je vous aime. Le dico des belles images », de Daniel Lacotte
Parmi les multiples manières de parler de la métaphore, Daniel Lacotte, lexicographe et romancier, a choisi la plus directe et la plus plaisante, celle qui consiste à partir à la recherche de son origine, de son sens, de sa sphère d’emploi et de sa portée poétique.
La tâche n’est pas aussi aisée qu’il y paraît, car les métaphores sont partout et envahissent notre discours sans même qu’on y prenne garde, comme si le détour imagé était une manière de contourner certains mots ou d’enjoliver certaines situations.
La métaphore « se substitue astucieusement à la dureté du réel », explique Daniel Lacotte, ravi de nous offrir, avec cette livraison, non seulement son quarantième ouvrage (à peu près), mais également un « beau livre d’images ».
Notre amoureux du langage a choisi un classement de nature alphabétique à partir de mots clés autour desquels se construit la métaphore, ce qui permet de vérifier la fécondité de certains vocables. Dans le registre de l’humain, on remarque par exemple l’abondance d’expressions faisant intervenir le mot « main » (vingt), cette main pouvant être « lourde », « verte », « de maître » ; il est possible de la « perdre », de la « prêter », de la « lever », etc. Quand on dit que la main fait l’homme…
Pas mal aussi du côté du « cœur », qui apparaît dans dix-sept syntagmes figés entre « Aller droit au cœur » et « Réchauffer le cœur », prouvant que la langue aime à valoriser l’organe de la vie et le siège (supposé) des sentiments. L’« oreille », pourtant plus « prosaïque » a l’honneur de neuf expressions, autant que « l’œil », moins pour le « corps » ou le « doigt » (sept occurrences), alors que la « cheville » ou les « dents » se limitent à deux entrées. Et on parlerait encore du « coude », de la « gorge », du « nez », de la « langue », cette profusion illustrant l’idée que l’anatomie est une intarissable source de variations lexicales.
Cette catégorie n’est toutefois pas la seule, comme l’attestent, prises au hasard, ces « Être de la même farine », « Couper l’herbe sous le pied », « Rongé jusqu’à l’os », « Tomber en quenouille », « Rire jaune », sans parler des métaphores d’origine savante comme « Séparer le bon grain de l’ivraie », ou « Tomber de Charybde en Sylla », ou précieuses comme « Déclarer sa flamme », « Un regard de braise », « Porter le fer dans la plaie », ou sociologiques comme « Prendre des vessies pour des lanternes », ou carrément populaires comme « Avoir un Polichinelle dans le tiroir ».
Nous savions déjà que la métaphore était l’essence de la poésie. Nous savons maintenant, grâce à Daniel Lacotte, qu’elle est le sel de la langue et peut nous éviter de devenir, ainsi qu’il l’écrit, « des paralytiques du verbe, des impotents du rythme, des invalides de la subtilité ou des trouillards de l’extravagance ». Plus qu’un « livre d’images » : un traité de civilisation, un hommage au verbe et un manuel de vie.
Yves Stalloni
• Daniel Lacotte, « Métaphores je vous aime. Le dico des belles images », First édition, 2018, 248 p.