Paul Desalmand : "Éditez-moi ou je vous tue !"
Ce petit recueil, plein de drôlerie, et parfois de profondeur, porte sur un domaine que son auteur, Paul Desalmand, connaît bien pour avoir écrit et publié plus de cinquante livres, pour avoir dirigé des collections et lu des dizaines de manuscrits, celui de l’écriture et de l’édition.
Le titre, gentiment provocateur (une autre qualité de l’irrévérencieux Paul Desalmand), est emprunté, comme l’explique le premier article, à Georges Darien, l’auteur du Voleur, qui soumit un jour son éditeur, Stock, à la menace d’une exécution en cas de refus de publication. Le ton est donné.
La suite, de la même veine, est composée d’une série de petits textes (essais, lettres, fictions, aphorismes…) ou apparaissent quelques personnalités des lettres, parfois illustres comme Chateaubriand, guère à son avantage ici car accusé, à juste titre, « d’en rajouter », ou Stendhal, pour lequel l’auteur marque une vraie préférence, ou Zola, exemple, pas toujours reconnu, de courage littéraire.
D’autres auteurs moins célèbres sont convoqués comme le malicieux Raoul Ponchon, ou le peu recommandable Brasillach qui méritait d’être fusillé pour ses idées et ses paroles, mais gracié par grandeur d’âme. D’autres textes se veulent plus personnels, parfois hilarants, tel « Le Carbuscrit » qui suggère de fabriquer un carburant avec les manuscrits refusés (où l’on retrouve l’inspiration de ce très original roman de Desalmand, Le Pilon) ; parfois sociologiques (« Le livre qui a changé leur vie »), parfois techniques (« Du mauvais usage des métaphores »), parfois parodiques (« Pour une réforme des études littéraires »), parfois philosophiques (la quarantaine d’aphorismes), parfois simplement narratifs (« Le manuscrit oublié », « La gérontophile »).
Le tout couronné par un dernier fragment au titre prometteur (« Heureux ! ») qui, à partir d’un extrait du Dictionnaire philosophique de Voltaire, nous démontre la dose de vanité qu’il entre dans l’acte d’écrire, en même temps que l’immense bonheur que procure l’alignement des mots sur le papier.
La paraphrase qui clôt ce délicieux petit livre consolera tous les fous de la plume, des plus gâtés aux plus obscurs : « Il faut imaginer les écrivains heureux. » L’auteur d’une telle formule en est la rassurante illustration.
Yves Stalloni
• Paul Desalmand, « Éditez-moi ou je vous tue ! », TheBookEdition, 2013, 99 p.
Je me permets de signaler que ce livre ne peut être commandé que sur le site thebookedition.com.