PISA 2018 : les élèves ont-ils encore confiance en leur école ?

Comme d’habitude depuis près de quinze ans les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) dirigées par l’OCDE étalent des chiffres et des courbes relatives au niveau des élèves de plus de 15 ans dans 79 pays du monde, en compréhensions écrite (littératie), mathématiques ou sciences.
Les médias commentent ces classements des jeunes Français comparés aux élèves européens, américains ou asiatiques comme on commente un championnat de foot : quelques places de plus ou de moins de tests en tests, une différence de points positive ou négative, des statistiques suffisent pour réjouir ou inquiéter….
Si encore il ne s’agissait que des médias !

Au vu des résultats PISA 2018 le communiqué du Ministère n’est guère plus scrupuleux : notre « score » moyen est stable en compréhension écrite, les résultats sont plutôt bons en mathématiques, l’entraîneur peut ainsi déclarer :

« Ces constats viennent confirmer le diagnostic posé il y a deux ans et demi, diagnostic à l’origine de notre politique d’élévation du niveau et de la justice sociale déployée. »

Le ministre gère ! Le poids des déterminisme socio-économiques : il gère ! L’écart filles / garçons, il gère ! L’écart lycées généraux / lycées professionnels : Il gère !
Soit. L’enquête PISA calme cependant cet optimisme, pour ne pas dire cette confiance : parce que ce ne sont pas que des tests et des QCM, parce que les élèves remplissent aussi des questionnaires, parce qu’ils livrent leur sentiment sur le climat scolaire, leur vision de l’avenir, leur rapport aux professeurs, l’ambiance, la discipline, le bien-être, cette dernière enquête livre des enseignements généraux, non strictement quantitatifs mais particulièrement intéressants.
Les performances sont à nuancer aussitôt que l’on prend en compte les caractéristiques personnelles : milieu socio-économique, genre ou origine.
Si 20 % des élèves favorisés socialement se retrouvent parmi les élèves les plus performants en compréhension écrite, seuls 2 % des élèves défavorisés entrent dans cette catégorie : avec un tel écart, la France est l’un des trois pays les plus inégalitaires de l’enquête ! Parmi les explications mises en avant, celle-ci, qui pousse à réfléchir : c’est en France que l’on observe la plus forte concentration d’élèves défavorisés dans des établissements moins performants, en l’occurrence les lycées professionnels. Autre explication, plus psychologique mais tout aussi grave : en France les élèves les moins favorisés ont les ambitions les moins élevées. Un élève défavorisé sur cinq ayant pourtant de bons résultats ne prévoit pas de finir des études supérieures.
Les inégalités liées au genre ne s’améliorent pas : un garçon sur trois obtenant de bons résultats en science déclare se voir travailler plus tard comme ingénieur ou scientifique: seule une fille sur six aussi performante en science rêve d’un tel avenir. Pire encore, les métiers liés à l’informatique restent largement méconnus : seulement 6 % des garçons, mais presque aucune fille souhaitent travailler dans des professions liées aux TIC.
Quant aux élèves issus de l’immigration (14 % de l’ensemble des élèves) ils sont un sur deux à appartenir à un milieu défavorisé, mais font preuve d’une résilience supérieure aux autres élèves défavorisés puisque 13 % d’entre eux obtiennent des résultats en compréhension écrite les classant parmi les plus performants. De quoi balayer bon nombre d’idées reçues sur le sujet.
Au chapitre du climat scolaire et des comportements en classe, les avis recueillis sont contrastés : huit élèves sur dix déclarent se faire facilement des amis à l’école, mais les jeunes Français sont aussi parmi les moins spontanés à coopérer entre eux dans le travail. Si le harcèlement n’est pas plus fréquent en France qu’ailleurs, il est pourtant en légère augmentation depuis 2005 et surtout il concerne plus les élèves défavorisés et peu performants que les autres.
Dans les relations aux enseignants, plus que dans la plupart des pays les élèves français estiment que leurs professeurs ne les aident pas assez, que les retours individualisés ne sont pas assez nombreux pour progresser et que les jugements sont trop sévères.
Autre jugement inquiétant : les élèves français se plaignent plus que les autres du bruit et de l’indiscipline qui règne dans leur classe, ce qui ne les empêche pas d’être plus nombreux que chez nos voisins a faire preuve d’absentéisme.
S’agissant de bien-être, les jeunes Français éprouvent une plus grande peur de l’échec que la moyenne OCDE ; néanmoins sept sur dix se disent satisfaits de leur vie. Ils déclarent aussi passer 28 heures par semaine sur Internet (6 heures de plus qu’en 2015) et, chose intéressante, plus ils regardent Internet plus ils se disent insatisfaits de leur vie.
Enfin ils sont moins nombreux que leurs jeunes voisins à penser que rien n’est figé et que l’intelligence est susceptible de croissance. C’est, nous disent les commentateurs de l’OCDE, une question de confiance dans l’École.

Et si la question était là, sous-jacente à ce questionnaire mais lancinante, refoulée mais déguisée : les élèves ont-ils confiance en leur école ?

Pascal Caglar


 
Télécharger l’intégralité du
Rapport PISA 2018 :
Savoirs et savoir-faire des élèves

(pdf, 154 pages).

 
 
 
• Le communiqué de presse du ministère de l’Éducation nationale.
Voir sur ce site : PISA 2015 : les recommandations de l’OCDE, par Pascal Caglar.

Pascal Caglar
Pascal Caglar

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