Premiers pas en France et en français : tout un parcours !

Élèves d'Up2a lors de la remise du diplôme d’études en langue française le 23 septembre 2015, à la Sorbonne © Stéphane Paroux
Élèves d’Up2a lors de la remise du diplôme d’études en langue française le 23 septembre 2015, à la Sorbonne © Stéphane Paroux

Il est 8 h du matin ce mercredi 26 août 2015. Une quarantaine d’adolescents nouvellement arrivés en France attendent de passer les tests préalables à leur affectation en UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants). Ils sont venus accompagnés d’un parent ou d’un éducateur.
Le tout premier contact entre le jeune et l’évaluateur va s’établir par le regard. Le regard bienveillant de l’adulte qui veut rassurer et celui de l’adolescent perdu et interrogateur : quelles questions on va me poser ? Dans quelle langue on va me parler ? Est-ce que je vais réussir ?

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Le premier entretien

Lorsque l’adolescent est francophone, la conversation s’engage avec plus de facilité et l’entretien est plus précis. Dans le cas contraire, il faut aller chercher les informations, avec un français très simple ou une autre langue : quel âge as-tu ? Où habites-tu ? Ça fait longtemps que tu es en France ? Tu as été à l’école dans ton pays d’origine ?
L’évaluateur note chaque renseignement, précieux, qui servira ensuite pour affecter au mieux chaque jeune. Le premier entretien permet avant tout de rassurer les familles, de leur donner à voir l’avenir de leur enfant, au moins pour quelques mois.
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Les tests
Pour que les affectations des élèves allophones soient les plus pertinentes possibles, des tests sont nécessaires. Chaque académie a la possibilité de les organiser comme elle l’entend. Dans la plupart des académies, ce sont les centres d’informations et d’orientations (CIO) qui se chargent de les réaliser. À Paris, c’est le Casnav (Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et enfants du voyage).
Accompagné, l’adolescent s’installe pour commencer une série de tests de mathématiques dans sa langue d’origine… Dans l’armoire, les tests en 19 langues sont prêts. Une heure plus tard, le niveau de mathématiques est déterminé. L’adolescent enchaîne avec le test de français. C’est le moment le plus important pour l’évaluateur. La communication s’établit en quelques secondes.
On vérifie les informations du dossier : Comment tu écris ton prénom ? Tu habitais dans quelle ville ?… Petit à petit, on chemine vers des questions plus difficiles. Il ne s’agit pas de s’immiscer dans l’histoire personnelle, de faire ressurgir un traumatisme à peine enfoui. Mais d’évaluer un niveau de langue pour répondre à des questions essentielles pour son orientation : l’adolescent sait-il lire, écrire ? A-t-il été scolarisé régulièrement au cours de son enfance ?
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Quand les enfants migrants deviennent des élèves de collège et de lycée
10 h 30 Les premiers adolescents testés quittent le Casnav. Ils ne sont plus uniquement des enfants migrants, ce sont maintenant les élèves d’un collège ou lycée français. Li Yuan est parmi eux. Il est arrivé de Chine il y a quinze jours, et ne parle pas un mot de français. Mais comme il a été bien scolarisé en Chine, il est affecté dans une Upe2a de lycée général.
Quelques jours plus tard, il reçoit son avis d’affectation et se rend pour la première fois au lycée Paul-Valéry, dans le 12e arrondissement de Paris. Sa première journée est difficile : il arrive dans une structure où les élèves semblent tous se connaître, alors qu’en réalité ils viennent d’arriver, comme lui, où il ne comprend rien, où les cours sont incompréhensibles… Heureusement, dans la classe, il y a deux autres élèves chinois, et d’autres débutants en français. En fin d’après-midi, Li Yuan a appris à parler de lui, mais il doit tout retenir pour le lendemain…
Massaran, elle, vient du Mali, elle a dix-sept ans. Elle a rejoint sa famille en France depuis deux mois. Elle comprend et parle le français mais elle ne l’écrit pas très bien et son niveau en mathématiques n’est pas très élevé.
Massaran n’a pas envie de poursuivre de longues études, elle se verrait bien travailler avec des enfants, dans une crèche peut-être.
Pour toutes ces raisons, elle est affectée dans une Upe2a de lycée professionnel. Le premier septembre, elle se rend, un peu angoissée, au lycée professionnel Lucas de Nehou dans le 5e arrondissement de Paris. Certains élèves de sa classe sont francophones mais d’autres ne connaissent pas un mot de français. Le professeur principal parle clairement pour que tous comprennent bien. Il explique que cette année sera consacrée à la découverte des métiers, aux stages et à l’orientation mais aussi à l’apprentissage du français et de toutes les autres disciplines (mathématiques, sciences physiques, arts appliqués, etc.). Massaran est rassurée, l’ambiance est vraiment sympa !
 

Comment inclure les élèves ?

L’année dernière, 52 500 élèves ont été scolarisés en France dans près de 9 200 établissements du territoire français. Près de 50 % sont arrivés en septembre, les autres ont intégré leur établissement tout au long de l’année. Les élèves allophones représentent 0, 56 % des enfants et adolescents scolarisés.
Comment fait-on pour travailler la langue française avec ces élèves de niveaux très différents, dont certains sont débutants, d’autres plus avancés… et qui arrivent tout au long de l’année ? Comment les inclure le plus rapidement possible pour qu’ils réussissent leur parcours scolaire en France ? Enseigner en Upe2a est une mission passionnante, qui amène chaque enseignant à adapter ses pratiques pédagogiques à chaque instant.
Nous ne manquerons pas de vous faire partager ces expériences lors de prochains articles.

Nadine Croguennec et Stéphane Paroux

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Voir sur ce site :
Formation : Accompagner les élèves nouvellement arrivés en France.
L’accueil des enfants allophones à l’école : quelques exemples remarquables.
500 élèves migrants à la Sorbonne pour la langue française, par Stéphane Paroux.
« Tire ta langue » : comment valoriser la richesse des langues parlées par les élèves, par Frédéric Palierne.

Nadine Croguennec et Stéphane Paroux
Nadine Croguennec et Stéphane Paroux

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