Programme 2014-2015 de la classe terminale littéraire

Gustave Flaubert dissèque Madame Bovary. Achille Lemot, "La Parole", 1869
Gustave Flaubert
dissèque Madame Bovary.
Achille Lemot, « La Parole », 1869

 
Le Bulletin officiel n° 15 du 10 avril 2014 précise la liste des œuvres obligatoires inscrites au programme de littérature de la classe terminale de la série littéraire pour l’année scolaire 2014-2015 :
 
• Domaine d’étude Littérature et langages de l’image :
Les Mains libres, Paul Éluard et Man Ray, « Poésie »,  Gallimard.
 
• Domaine d’étude Lire-écrire-publier :
Madame Bovary, de Gustave Flaubert.
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A. Domaine d’étude Littérature et langages de l’image

Œuvre : « Les Mains libres », Paul Éluard-Man Ray, « Poésie »,  Gallimard

Le programme de l’enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au BOEN spécial n° 8 du 13 octobre 2011) souligne que le travail sur le domaine « Littérature et langages de l’image » vise à « conduire les élèves vers l’étude précise des liens et échanges qu’entretiennent des formes d’expression artistique différentes ». Il envisage « quelques grands types de relations » entre l’œuvre littéraire et l’œuvre visuelle, et propose notamment « l’imbrication », « l’agrégation » ou « l’amplification » comme pistes d’études.
Le recueil Les Mains libres renverse les relations traditionnelles entre texte et image, en mentionnant dès la première page de l’œuvre : « Dessins de Man Ray illustrés par les poèmes de Paul Éluard ». Les deux créateurs ont en effet inventé une collaboration, dans laquelle les dessins ont précédé l’écriture poétique. Derrière cette relation d’« illustration » assumée par le poète, la composition à quatre mains révèle toutefois un système organique sans doute plus complexe. Les poèmes d’Éluard relèvent-ils vraiment et seulement de l’illustration ?
Engageant deux langages de manière indépendante et mêlée, Les Mains libres échappent à la volonté d’emprisonner la réalité entre la représentation picturale et une quelconque « traduction » poétique. Le rapport au monde proposé par les deux artistes, rapport qu’on ne pourra détacher de l’aventure surréaliste, joint la vision à la vue, l’imagination au réel, l’aura au détail. Dans cet hymne à la voyance qu’est le recueil, l’architecture, l’organisation et le dialogue entre les pages ne sont pas laissés au hasard : ils orchestrent une véritable partition chargée d’entraîner le lecteur sur la voie de l’inspiration poétique.
L’étude de l’œuvre, éclairée notamment par cette réflexion sur la contagion créatrice, devra attirer l’attention des élèves sur le contexte artistique et théorique des années d’immédiate avant-guerre. Elle ne manquera pas de s’ouvrir de manière plus générale à l’esthétique surréaliste, comme à son « dialogue des langages artistiques » au cœur du domaine d’étude.
 

Propositions bibliographiques

Textes de référence
Éluard (Paul), Les Mains libres, dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1984, t. I, appareil critique, pp. 1503-1513.
Éluard (Paul), Facile, photographies de Man Ray, Paris, GLM, 1935 [dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1984, t. I, pp. 457-466].
Éluard (Paul), Donner à voir, Paris, Gallimard, 1939 [collection « Poésie », 1978, recueil où sont rassemblés la plupart des écrits du poète consacrés à la peinture de 1918 à 1938].
Gâteau (Jean-Charles), Paul Éluard et la peinture surréaliste, Genève, Droz, 1982, chap. VIII « Illustrer Man Ray », pp. 259-302.
 
Pour aller plus loin
Ray (Man), Autoportrait, traduction Anne Guérin, Paris, Robert Laffont, 1964 [Arles, Actes sud, collection « Babel », 1998].
Breton (André), Le Surréalisme et la Peinture, Paris, Gallimard, 1928 [collection « Folio Essais », 1965].
Sur le site de l’Ina https://www.ina.fr/ :
« La bande à Man Ray » (vidéo de 51 min. 28 s) ;
« Entretien avec Man Ray » (vidéo de 17 min. 26 s) ;
« Paul Éluard » (portrait-souvenir, vidéo d’1 h 37 min. 13 s).
 

B. Domaine d’étude « Lire-écrire-publier »

Œuvre :  « Madame Bovary », de Gustave Flaubert

Le programme de l’enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au BOEN spécial n° 8 du 13 octobre 2011) indique que le travail sur le domaine « lire-écrire-publier » invite les élèves « à une compréhension plus complète du fait littéraire, en les rendant sensibles, à partir d’une œuvre et pour contribuer à son interprétation, à son inscription dans un ensemble de relations qui intègrent les conditions de sa production comme celles de sa réception ou de sa diffusion ».
Pour l’étude de Madame Bovary de Gustave Flaubert, le professeur privilégiera l’analyse de la genèse qui permet aux élèves de pénétrer dans le laboratoire de l’écrivain et de s’interroger sur le processus de création du roman. Les étapes successives de l’avant-texte (plans, scénarios, esquisses, brouillons et manuscrits) constituent autant d’éléments qui nous donnent accès à l’histoire de la création. Ils rendent manifestes l’obsession et la passion du romancier pour le mot, pour la phrase, son attention aux rythmes et aux harmonies, à la dimension sonore de la langue, inscrivant la quête romanesque dans une aventure poétique, stylistique et esthétique inédite. Flaubert fait du roman un vaste poème narratif, où l’écriture s’astreint à une double exigence de justesse absolue, sur le plan de la diction comme sur celui de la fiction. La transformation d’un fait-divers banal en œuvre d’art éclaire également le travail de l’écrivain en amont du texte. Enfin, la correspondance de Flaubert avec ses contemporains, véritable essai sur l’art romanesque, permet de mieux comprendre la genèse du roman, révélant l’épreuve d’une écriture qui rompt avec le mythe de l’inspiration.
Madame Bovary contribue ainsi à l’invention d’un nouveau rapport au monde. La recherche du « neutre », de l’« impersonnalité », l’égalité de traitement des personnages, des sujets et des points de vue, affranchissent la littérature du devoir de représenter l’ordre constitué. L’écriture flaubertienne porte à sa manière une esthétique de l’âge démocratique, dévoilant un lien inextricable entre poétique et politique.
À cet égard, le professeur pourrait aborder avec les élèves dans une perspective complémentaire la réception très polémique du roman en 1857. Le procès qui s’en suivit notamment montre la complexité des liens entre littérature et société au milieu du XIXe siècle et soulève la question de la moralité à laquelle Flaubert, dans la stratégie de défense qu’il met en œuvre, fait subir un déplacement décisif : répondant à ses adversaires sur leur propre terrain, il substitue par ailleurs aux cadres d’une littérature édifiante corsetée par une morale prescriptive une éthique de l’écriture et de la lecture, fondée sur l’affirmation de l’autonomie de l’art.
 

Quelques ressources pour les professeurs

Flaubert, Gustave, Madame Bovary dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1951, t. I, appareil critique rédigé par René Dumesnil, pp. 271-289.
 
Sur la genèse du roman
Plans et scénarios de Madame Bovary, présentation, transcription et notes de Y. Leclerc, Paris, CNRS Editions / Zulma, coll. « Manuscrits », 1995.
Transcription intégrale des manuscrits de Madame Bovary, sous la responsabilité de D. Girard et Y. Leclerc, Bibliothèque municipale de Rouen au centre Flaubert : https://www.bovary.fr/, https://flaubert.univ-rouen.fr/bovary/index.php.
De nombreux sites nationaux ou académiques proposent des ressources pédagogiques utiles pour le programme. Citons principalement les sites de Rouen, Grenoble, Versailles mais aussi celui du réseau Canopé (voir notamment l’article de Caroline d’Atabekian).
De Biasi (Pierre-Marc), Gustave Flaubert, Une manière spéciale de vivre, Grasset, 2009, particulièrement les chapitres 6 (« Entrer en littérature »), 7 (« Madame Bovary, c’est qui ? ») et 8 (« Le procès du style »).
Gothot-Mersch (Claudine), La Genèse de « Madame Bovary », Paris, Corti, 1966 ; Genève, Slatkine Reprints, 1980.
Flaubert (Gustave), Correspondances, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, t. II (1851-1858).
 
Sur la poétique du texte
Mitterand (Henri), « Flaubert et le style », Les Mots de Flaubert, n° 27, décembre 1965, pp. 4-10.
Proust (Marcel), Pastiches et mélanges, 1919 (le pastiche qui relate l’affaire Lemoine à la manière de Flaubert pourra être proposé aux élèves).
Rancière (Jacques), Politique de la littérature, Galilée, 2007.
 
Un écrivain dans son siècle
Winock (Michel), Flaubert, NRF biographies, 2013.
 
Sur la réception du roman
Baudelaire (Charles), M. Gustave Flaubert, Madame Bovary et la Tentation de Saint-Antoine. L’Artiste, 18 octobre 1857.
Sainte-Beuve (Charles-Augustin), Variétés. Littérature. Madame Bovary, par Gustave Flaubert. Le Moniteur, 4 mai 1857.
Leclerc (Yvan), Crimes écrits. La littérature en procès au XIXe siècle, Paris, Plon, 1991.
Bourdieu (Pierre), Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Seuil, 1992, réédition collection « Points », 1998.
Vatan (Florence), « Outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs », Gustave Flaubert et la « morale de l’Art », dans Pensée morale et genre littéraire, sous la direction de Jean-Charles Darmon et Philippe Desan, Paris, PUF, 2009, pp. 139-158.
 

« Flaubert » , de Michel Winock, par Yves Stalloni.
• Flaubert dans les Archives de « l’École des lettres ».
 
Man Ray, Paul Éluard, la liberté dans le livre, par Isabelle Chol.
Entrées sur Éluard. « Les Mains libres », de Paul Eluard et Man Ray, par Frédéric Palierne.
Exposition Paul Éluard, « Poésie, amour et liberté.

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l'École des lettres
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