Programme de littérature en Terminale littéraire pour l'année scolaire 2018-2019

"Hernani", de Victor Hugo
Pour l’année scolaire 2018-2019, la liste des œuvres obligatoires inscrites au programme de littérature de la classe terminale de la série littéraire est la suivante :
• Domaine d’étude « Littérature et langages de l’image » :
– Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.
– Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, film français, 2010.
• Domaine d’étude « Lire-écrire-publier » :
– Victor Hugo, Hernani, 1830.

Domaine d’étude « Littérature et langages de l’image »

– Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.
– Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, film français, 2010.
Le programme de l’enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au Bulletin officiel de l’éducation nationale spécial n° 8 du 13 octobre 2011) indique que le travail sur le domaine « Littérature et langages de l’image » doit « conduire les élèves vers l’étude précise des liens et des échanges qu’entretiennent des formes d’expression artistiques différentes ». L’inscription au programme de la nouvelle de Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier (1662), et du film de Bertrand Tavernier (2010) met en jeu les relations entre littérature et langage cinématographique, ici envisagées sous l’angle de l’adaptation. La lecture croisée des deux œuvres, recourant aux outils d’analyse adéquats, permettra aux élèves de les apprécier « dans la double perspective de leur singularité et de leur intertextualité ».
Première œuvre publiée, anonymement, par Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier est aussi parmi les premières nouvelles françaises. Rompant avec l’invraisemblance des romans héroïques, l’auteur puise dans l’histoire de la fin du XVIe siècle la matière première de ce court récit qui met en scène, dans un style épuré proche de la chronique, des événements et des personnages le plus souvent réels. Mais tout en prenant appui sur une base historique soigneusement documentée, l’intrigue se déroule dans les marges de l’histoire, empruntant à l’« histoire particulière » des figures ou épisodes mal connus du passé que l’écriture romanesque recrée, développe, voire invente, afin de donner à voir une vérité moins historique que morale. À travers le destin tragique d’une jeune femme qui, déchirée entre son devoir et sa passion amoureuse, préfigure les grandes héroïnes raciniennes autant que La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette montre en effet le danger que représentent les passions dans un monde qui, strictement codifié par les règles de bienséance, condamne toute femme qui leur aurait sacrifié sa « vertu » et sa « prudence ».
Le film de Bertrand Tavernier s’attache « à respecter [les] passions que décrivait Madame de Lafayette, à suivre leur progression, mais aussi à mettre à nu ces émotions, en trouver le sens, les racines, la vérité profonde, charnelle » ( Bertrand Tavernier, avant-propos de La Princesse de Montpensier,un film de Bertrand Tavernier, suivi de la nouvelle de Madame de Lafayette, Flammarion, 2010). Il transpose ainsi doublement le langage de la nouvelle, puisque l’adaptation cinématographique se fonde sur une interprétation de la langue classique de Madame de Lafayette.
Dans un double geste d’épure et d’amplification, le réalisateur libère le texte de son imprégnation janséniste et précieuse pour en développer les implicites et les non-dits. Le scénario s’écrit dans les blancs d’un récit dont il comble les ellipses pour restituer en pleine lumière une réalité historique et morale que l’esthétique classique édulcorait, et ainsi projeter le texte, par-delà les siècles, dans notre modernité. À travers le destin exemplaire de Marie de Montpensier, le film montre la vérité à la fois émotionnelle et charnelle de la passion qui, du XVIe au XXIe siècles, garde la même force de contestation de l’ordre établi.
À l’insoumission de la jeune femme répond, dans l’adaptation cinématographique, celle du comte de Chabannes, personnage secondaire du récit dont l’itinéraire moral devient le fil conducteur du film où il incarne, en référence aux grands humanistes du XVIe siècle, la lutte contre l’ignorance et le fanatisme religieux. Le film de Bertrand Tavernier montre ainsi que, déliée des contraintes de la bienséance, la nouvelle de Mme de Lafayette est porteuse d’une réflexion très actuelle, mais qui prend sa source dans la Renaissance, sur l’aspiration légitime de l’individu à la liberté, face à toutes les formes de coercition sociale, morale ou idéologique.
Le professeur aura soin d’inscrire chacune des deux œuvres dans son contexte socioculturel et artistique spécifique, afin de favoriser leur dialogue mais aussi leur confrontation. Il veillera notamment à faire percevoir aux élèves l’importance que revêt la prise en compte de la réception de l’œuvre dans l’acte créateur.
Quelques ressources pour les professeurs
– Madame de Lafayette, Œuvres complètes (édition établie, présentée et annotée par Camille Esmein-Sarrazin), Paris, NRF, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2014.
• Sur Madame de Lafayette et « La Princesse de Montpensier »
– Cuénin, Micheline (introduction et édition critique de), Histoire de la Princesse de Montpensier sous le règne de Charles IXème Roi de France et Histoire de la Comtesse de Tende, Genève, Librairie Droz, 1979.
– Goldsmith, Elizabeth, « Les lieux de l’histoire dans La Princesse de Montpensier », in XVIIe siècle, n° 181, oct.-déc. 1993 : « Autour de Madame de Lafayette », pp.705-715.
– Giorgi, Giorgetto, « Forme narrative longue, forme narrative brève : le cas de Mme de Lafayette », in Littératures classiques, n° 49, 2003, pp. 371-383.
– Virmaux, Odette, Les Héroïnes romanesques de Madame de Lafayette (La Princesse de Montpensier, La Princesse de Clèves, La Comtesse de Tende), Paris, Klincksieck, « Femmes en littérature », 1981.
– Dejean, Joan, « De Scudéry à Lafayette : la pratique et la politique de la collaboration littéraire dans la France du XVIIe siècle », in XVIIe siècle, n° 181, op.cit., pp. 673-685.
– Gérard-Chieusse, Sophie, Madame de Lafayette et la préciosité, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2001.
– Godenne, René, Histoire de la nouvelle française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 1970.
– Grand, Nathalie, Le Roman au XVIIe siècle, Paris, Bréal, coll. « Amphi lettres », 2015.
– Zonza, Christian, La Nouvelle historique en France à l’âge classique (1657-1703), Paris, Honoré Champion, 2007.
• Sur Bertrand Tavernier et « La Princesse de Montpensier »

  • Tavernier, Bertrand, avant-propos de La Princesse de Montpensier (un film de Bertrand Tavernier suivi de la nouvelle de Madame de Lafayette), Paris, Flammarion, 2010.

Le Cinéma dans le sang (entretiens avec Noël Simsolo), Paris, Écriture, coll. « Entretiens », 2011, et notamment les pages 146, 194-195, 259, 270, 275.
https://www.lexpress.fr/culture/cinema/bertrand-tavernier-raconte-le-tournage-de-la-princesse-de-montpensier_892297.html
– Morice, Jacques, une critique du film à lire sur https://www.telerama.fr/cinema/films/la-princesse-de-montpensier,410517.php
– Nuttens, Jean-Dominique, Bertrand Tavernier (Film après film, le parcours d’un cinéaste humaniste et en prise avec son temps), Rome, Gremese, 2009 (anthologie commentée de la filmographie de Tavernier jusqu’en 2009).
– Raspiengeas, Jean-Claude, Bertrand Tavernier, Paris, Flammarion, 2001.

B. Domaine d’étude « Lire-écrire-publier »

 
– Victor Hugo, Hernani, 1830 (édition au choix du professeur)
Le programme de l’enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au Bulletin officiel de l’éducation nationale spécial n° 8 du 13 octobre 2011) précise que le travail sur le domaine « Lire-écrire-publier » doit amener les élèves à « une compréhension plus complète du fait littéraire, en les rendant sensibles, à partir d’une œuvre, et pour contribuer à son interprétation, à son inscription dans un ensemble de relations, qui intègrent les conditions de sa production comme celles de sa réception et de sa diffusion ». L’inscription au programme limitatif d’œuvres d’Hernani de Victor Hugo permet d’étudier la pièce de théâtre et la fameuse « bataille » qui l’accompagne depuis sa création à la Comédie-Française au début de l’année 1830.
En effet, Hernani est à la fois une œuvre, publiée chez Mame et Delaunay-Vallée le 9 mars 1830, et un événement littéraire, depuis sa création quelques jours plus tôt. La date mythique de sa première représentation est aujourd’hui un repère dans l’histoire du théâtre et du romantisme, qui résonne presque comme une victoire militaire : « C’était le 25 février 1830, le jour d’Hernani, une date qu’aucun romantique n’a oubliée et dont les classiques se souviennent peut-être, car la lutte fut acharnée de part et d’autre », écrira Théophile Gautier dans le Moniteur universel le 25 juin 1867 à l’occasion d’une reprise. Entre le brouhaha et les vivats, la première est un triomphe : Hugo est parvenu à s’imposer sur la scène du théâtre, étape décisive en 1830 pour qui veut compter dans le monde littéraire. Le scandale, empêchant les représentations, ne s’installera que progressivement dans les semaines qui suivent, probablement au fur et à mesure que la « claque » romantique laisse les classiques occuper le terrain de la bataille.
Pourtant, la pièce est loin d’être esthétiquement aussi révolutionnaire que ce qu’en disent les romantiques a posteriori : les règles et la hiérarchie des genres sont remises en cause dès le XVIIIe siècle, le goût classique est contesté depuis la Révolution, et le drame bourgeois a ouvert une voie dans laquelle Hugo s’inscrit, avec d’autres. La critique littéraire condamne néanmoins avec véhémence la présence dans la pièce d’éléments matériels, corporels ou triviaux qui heurtent les spectateurs, mais aussi les irrégularités rythmiques ou l’emphase de certains passages. Avec ces choix dramaturgiques et poétiques, Hugo invente aussi un nouveau public et ouvre le théâtre à une autre société, qu’il juge plus représentative de son temps, et fait de la scène un espace de débat esthétique, mais aussi très politique.
Or, l’auteur, après la censure de Marion Delorme en 1829, a le souci de préparer la réception de sa nouvelle pièce. Malgré l’autorisation d’Hernani, des fuites dans la presse sont organisées pour créer le scandale, des parodies circulent avant même la première. Pour faire face, Hugo mobilise la jeunesse romantique, prépare son « armée » et engage une « bataille » : « celle des idées, celle du progrès. C’est une lutte en commun. Nous allons combattre cette vieille littérature crénelée, verrouillée ».
Dès lors, la création d’Hernani devient un événement littéraire dont le public est partie prenante. Les spectateurs sont eux-mêmes en costume et jouent un rôle dans la représentation. La bataille prend cette forme parce qu’elle est intimement liée au texte de la pièce lui-même. La pièce comme la bataille ont une dimension héroïque forte, elles mettent en scène l’opposition entre les générations et célèbrent la jeunesse, elles conjuguent toutes deux l’épique et le trivial. Quelques mois avant la Révolution de Juillet et la fin de la Restauration, Hernani sonne comme un appel à la libéralisation de l’Art et revendique haut et fort la vigueur de la Littérature et du romantisme. Et voici la bataille convertie en légende romantique.
Au format « poche », les éditions proposent dans les annexes des documents divers concernant la réception de la pièce et la « bataille ». Il appartient éventuellement au professeur de les compléter par les textes et les documents utiles à son projet (articles de presse ou encore récits de témoins : Théophile Gautier, Adèle Hugo, Alexandre Dumas,  notamment).
Quelques ressources pour les professeurs
• Sur le texte, sa représentation et la bataille
– Evelyn Blewer, La Campagne d’Hernani, édition du manuscrit du souffleur, Eurédit, 2002.
– Jean Gaudon, Victor Hugo et le théâtre, « La Bataille d’Hernani », Eurédit, 2008.
– Florence Naugrette, Le Théâtre romantique, « Une première mythique », Éditions du Seuil, 2001
– Myriam Roman, « La « bataille » d’Hernani racontée au XIXe siècle : pour une version romantique de la « querelle » », dans Qu’est-ce qu’un événement littéraire au XIXe siècle ?, 1. Faire événement, sous la direction de Corinne Saminadayar-Perrin, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2008.
– Agnès Spiquel, « La Légende de la bataille d’Hernani », dans Quel scandale !, sous la direction de Marie Dollé, Presses universitaires de Vincennes, coll. « Culture et Société », 2006.
– Agnès Spiquel et Myriam Roman, « Hernani, récits de bataille », 2006, contribution du groupe Hugo : https://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/06-12-16RomanSpiquel.htm
– Anne Ubersfeld, Le Roman d’Hernani, Mercure de France, 1985.
• Sur la réception par les contemporains
– Alexandre Dumas, articles publiés dans La Presse en août 1852 consacrés à Hugo et publiés en volume la même année ; disponibles dans Mémoires, Éditions Robert Laffont, « Bouquins », 1989.
– Théophile Gautier, Victor Hugo, Honoré Champion, 2000 (choix de textes par Françoise Court-Perez) Id., Histoire du romantisme, 1872.
Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, Lacroix, 1863 (publication par Anne Ubserfeld et Guy Rosa, Victor Hugo racontée par Adèle Hugo, Plon, 1985).
– « Journal de l’acteur Joanny », « Documents divers autour d’Hernani », Œuvres complètes de Victor Hugo, édition chronologique sous la direction de Jean Massin, Le Club français du livre, tome III, 1967.
– Dossier Gallica : https://gallica.bnf.fr/blog/01012013/la-bataille-dhernani-dans-gallica
 
 

l'École des lettres
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