Retrait du projet de fermeture
des prépas parisiennes

Victoire pour la mobilisation enseignante : le Conseil supérieur de l’éducation a décidé de suspendre son projet de fermer plusieurs classes préparatoires dans la capitale. Le recteur de Paris a démissionné, la ministre a été remerciée, mais les prépas restent en sursis.

Par Pascal Caglar, professeur de lettres (académie de Paris)

Le 31 janvier dernier, le Conseil supérieur de l’éducation, présidé par la ministre de l’Éducation alors en poste, Amélie Oudéa-Castéra, a décidé de suspendre son projet de fermeture de trois classes prépas parisiennes pour la rentrée prochaine, après avoir renoncé à d’autres fermetures scientifiques en région.

C’est une victoire pour le monde des prépas qui s’est mobilisé avec force, unité et détermination dès les annonces de fermetures de classes, fin novembre dernier¹. Un mouvement spontané réunissant profs et élèves concernés, associations des classes préparatoires littéraires comme commerciales ou scientifiques, associations syndicales et Conférence des grandes écoles, a su faire entendre la légitimité de son indignation et de son incompréhension.

Tout ce petit monde est descendu dans la rue par quatre fois, les 6, 13, 31 décembre 2023, ainsi que le 14 janvier 2024, pour dénoncer une manœuvre visant la destruction des prépas. Conduite par Christophe Kerrero, recteur de Paris, qui a d’ailleurs démissionné le 2 février dernier, celle-ci prévoyait une hybridation des lycées et universités, encourageant les formations du type bachelor, au détriment des prépas traditionnelles sommées d’atteindre des effectifs de 48 élèves sous peine de fermeture.

Dans sa lettre de démission, Christophe Kerrero, désavoué par la ministre, affirme avoir toujours défendu la mixité sociale jusque dans son désir de fermer ces prépas parisiennes. Les trois établissements qu’il visait – Lamartine (une hypokhâgne), Chaptal (une khâgne) et Jacques-Decour (une prépa commerciale) – sont situés dans des arrondissements attirant un très grand nombre d’étudiants banlieusards et comptant les plus forts taux de boursiers en prépas littéraires à Paris : pas des prépas réservées à l’élite parisienne a priori.

Il faut une sérieuse dose de malhonnêteté ou d’ignorance pour opposer prépas littéraires et mixité sociale : à y regarder de près, non pas simplement dans l’académie de Paris mais dans toutes les académies de France, l’origine sociale des élèves inscrits en hypokhâgne est souvent modeste. C’est à mettre en regard avec tous les témoignages de reconnaissance qu’étudiants ou professeurs issus de milieux populaires ne cessent depuis des générations d’exprimer en faveur de ces classes².

Il faut aussi du mépris pour les élèves et étudiants prêts à suivre un enseignement exigeant lorsque l’on détruit le corps des inspecteurs généraux en charge des professeurs de classes prépratoires, et que l’on en viendrait à méconnaître le travail particulier des professeurs de chaire supérieure, qui, tout au long de leur histoire, ont connu des notoriétés égales à bien des professeurs d’université et sont depuis toujours les premiers artisans de manuels scolaires et parascolaires.

Pas d’amalgame possible avec la défense du privé

N’en déplaise à Christophe Kerrero qui a tenté d’impliquer Amélie Oudéa-Castéra dans les causes de sa démission, il n’y a pas d’amalgame possible entre la défense du privé et celle des prépas. Dans l’esprit du recteur, il s’agissait de deux formes de cet élitisme qu’il prétendait combattre. Mais rien n’est plus gratuit, public, solidaire et républicain que les parcours en classes prépas, littéraires ou autres.

La réussite du mouvement de défense des prépas, structuré et unitaire, témoignage d’une intuition, bien relayée par les médias, que ces classes préparatoires appartiennent au patrimoine éducatif national, au même titre que les lycées qui les hébergent depuis leur création.

Cette victoire au demeurant n’est pas la garantie d’un avenir serein. Depuis plusieurs années, des tentatives de réforme des programmes, des horaires, des colles ou des concours, suscitent de l’inquiétude et de l’agacement. Non pas que l’ensemble des enseignants de prépas soient hostiles à des évolutions, mais parce que ces réformes ne sont jamais précédées de concertation et de finalités strictement éducatives.

Nicole Belloubet, ex-garde des Sceaux du gouvernement d’Édouard Philippe, nommée en remplacement d’Amélie Oudéa-Castera le 9 février pour renouer avec le monde enseignant, n’aura probablement pas grande marge de manœuvre puisque le Premier ministre, Gabriel Attal, a déjà posé tous les cadres de ce ministère qu’il vient de quitter. Et dont il a assuré qu’il gardait un œil dessus.

Il est juste de se demander ce qu’est la culture générale au XXI° siècle, ou encore comment enseigner les langues anciennes aujourd’hui, ou bien même quel avenir pour la dissertation. Mais il n’est pas juste de calculer comment réduire le nombre de postes et le nombre d’enseignants sous couvert d’évolution de matières ou de contenus.

La volonté d’affaiblir cette exception éducative qui dérange ne date pas d’hier. Voici presque vingt ans, Vincent Peillon avait déjà en ligne de mire les prépas qu’il jugeait caricaturalement trop opposées à l’enseignement prioritaire, comme s’il fallait choisir entre deux objectifs prioritaires dans une démocratie digne de ce nom.

P. C.

Notes

1 – Vara tibi Khagna célébrat gloriam : hymne des prépas littéraires célébrant l’esprit de liberté des khâgnes face à l’administration et le pouvoir : « pereant barbari administratioque »

2 – Il n’y a pas si longtemps, les chambres de l’annexe de la rue d’Ulm à Paris n’étaient occupées que par des provinciaux, enfants de classes moyennes inférieures, qui, sans la prépa et le concours, n’auraient jamais pu s’élever jusqu’aux postes qu’ils ont atteints.

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